L’affaire Saïl – Arbitraire et Calomnie [1934]

Le Flambeau N°79 Mai 1934

Source : https://archivesautonomies.org/spip.php?article4977

Après l’arrestation de notre camarade Saïl Mohamed, nous avons pu lire, dans la presse réactionnaire, un récit rocambolesque de ce vaillant exploit policier. Fille docile et, surtout « soumise », la presse tenait, une fois de plus, à démontrer que la police tutélaire veillait toujours sur les biens de ces timorés, qui vivent avec la crainte de se voir ravir, un jour, l’argent qui leur permet de vivre heureux sans travailler.

Toutes ces élucubrations ridicules furent rapidement démenties par les faits. Malgré les efforts de la Sûreté, les éléments d’inculpation restaient maigres ; étant prouvé que les armes de guerre confisquées au domicile de la compagne de Saïl, veuve de guerre, provenaient du mari de cette dernière, qui les avait rapportées du front, avant d’y laisser sa peau pour le droit, la civilisation et tout le reste…

La détention de Saïl constitue donc un acte arbitraire qui ne saurait durer. Nous devons exiger la fin de ce scandale. Il faut, pour qu’il ne soit plus permis à la police d’invoquer de tels précédents, que Saïl Mohamed soit remis en liberté immédiatement.

L’affaire Saïl n’aura pas seulement mis en lumière les vils procédés d’une police qui ne recule devant les pires canailleries pour atteindre les adversaires du fascisme, elle aura aussi prouvé l’hypocrisie et la bassesse de certains politiciens qui réclament à grand bruit, le monopole de l’action révolutionnaire et la reconnaissance de leur sacro-sainte infaillibilité dans tous les domaines.

L’Humanité, sottisier quotidien des grands sachems rouges, s’empressa, en effet, de publier, au sujet de Saïl, un article agrémenté des seules « pauvretés » que soit capable d’engendrer le cerveau d’un bolcheviste adulte et bien abreuvé. Saïl est un agent provocateur, écrivait le chapelin moscovite, un agent provocateur bien connu… Mais le dit chapelain paraissait plus soucieux de conserver un anonymat courageux que d’apporter le moindre semblant de preuve pour soutenir son infâme accusation.

Plus loin, le même individu écrivait : « A Vincennes où il (Saïl) sévissait, il opérait sous une pancarte qui portait ces mots : « Ravachol partout »… Il serait difficile d’être plus cynique dans le mensonge, car si, le 12 février Saïl portait, en effet, une pancarte, cette pancarte, que des milliers de manifestants ont pu voir, portait simplement :  » Ligue internationale des réfractaires à tout militarisme. Contre le fascisme, nous sommes prêts ! »

La vérité étant rétablie en ce qui concerne ce fait, nous nous empressons de déclarer, au digne capucin qui assimile à l’aide d’un mensonge Saïl à Ravachol, que l’on peut penser ce que l’on voudra de la personnalité et des actes d’un Ravachol. Mais, ce qui est certain, c’est que Ravachol aurait eu assez de courage pour agir d’une manière plus franche et moins lâche à l’égard d’un militant frappé déjà par l’arbitraire d’un gouvernement. Va, caudataire du saint-père Staline, continue de tremper ta plume dans le purin, éclabousse du papier et salis les honnêtes gens. Aujourd’hui tu crois triompher et tu vis sans dégoût parmi la sanie, mais, demain, l’aiguille aura tourné au cadran des excommunications. Ce sera ton tour de goûter à « l’éponge de vinaigre ». Tu sera chassé et vilipendé comme le pire malfaiteur. Un nouveau prébendier s’installera à ta place ; et lorsque nous te verrons passer sur la charrette traditionnelle, c’est en vain que tu imploreras quelque compassion. Car nous dirons : encore un qui a récolté ce qu’il avait semé.

Singulière mentalité que celle de ces soi-disant pionniers, qui ont comme attributs le mensonge et la calomnie. Pensent-ils donc cimenter les fondations d’une société idéale, en usant de semblables moyens ? Adversaires de la liberté individuelle, ennemis de la pensée libre, les bolchevistes osent parler d’émancipation, ce qui est une dérision, puisque l’émancipation ne peut se concevoir que comme corollaire de la liberté et de la pensée libre. Plagiant les pires tactiques des jésuites, estimant comme eux que la fin couronne l’œuvre, ils emploient tous les moyens pour écraser tout ce qui n’accoure pas docilement se ranger sous le labarum de Lénine.

Et ils sont comme cela, quelques-uns qui veulent absolument rester les plus purs parmi les plus purs. Les Vaillant-Couturier et les Cachin dépensent donc un grand zèle pour intensifier l’épandage des ordures ! Il y en aura pour tout le monde !… Et ce sera, ensuite, un plaisir délicat que de contempler, seuls Immaculés, superbes, les candides angelots moscovites, auxquels il ne manquera que des ailes blanches et une auréole d’or !

Samuel Vergine

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