samedi 17 mai 2025 de 17h à 19h
Musée du camp de concentration du Vernet d’Ariège
Place Guilhamet, Ariège
L’Amicale du camp de concentration du Vernet (Ariège) organise, au musée du Camp de concentration, une exposition de dessins de peintres russes et ukrainiens qui ont été prisonniers du camp de concentration français.
Le camp du vernet fut un camp de concentration mis en place par la République française (avant Vichy donc) pour y parquer les 12 000 combattants anarchistes espagnols et d’autres étrangers de la Division Durruti dès 1939, après la défaite de la République espagnole. Puis, au déclenchement en 1939 de la guerre par Allemagne nazie, la République française y enferma les étrangers dits « indésirables », dont des antifascistes membres du Parti communiste d’Allemagne (KPD) et du Parti communiste d’Autriche (KPÖ), des anarchistes et des intellectuels antifascistes. Il s’agissait donc d’un camp particulièrement sévère qui servait au regroupement des populations jugées les plus dangereuses, indisciplinées ou déloyales, comme ces opposants politiques ou les travailleurs les moins obéissants des Compagnies de Travailleurs Etrangers (CTE). Arthur Koestler, lui-même interné au Vernet d’octobre 1939 à janvier 1940, décrivit les conditions terribles qui régnaient dans le camp dans son livre La Lie de la terre.
C’est du Vernet que parti le premier train de déportés vers les camps nazis, en juillet 1940. (lire : 25 juillet 1940, le premier convoi de déportation de France partait du Camp du Vernet d’Ariège. N’oublions pas ! https://cnt-ait.info/2020/07/25/vernet)
Par la suite, à partir de 1942, ils furent rejoints par des Juifs arrêtés dans la région par l’administration de L’Etat Français Vichy, en transit avant d’être déportés dans les camps d’extermination nazis.
Seront exposés des dessins de Paul Pitoume, dont un autoportrait, de Constantin Sikatchinsky et du peintre russe Igor Jasinski, dont un portrait de Sacha Schapiro.

Si aujourd’hui Sacha Shapiro connait une certaine notoriété posthume car il était le père du génial mathématicien Alexandre Grothendieck, pour nous – militants de l’Association Internationale des Travailleurs (AIT) – nous n’oublions pas qu’il fut un militant anarchiste de la première heure, participant à l’insurrection ukrainienne pendant la révolution russe, puis aux combats de l’ AIT que ce soit dans le Fonds de secours aux prisonniers politiques en Russie (lire :https://makhno.home.blog/2023/12/27/iwa-fund ) ou dans les rangs de la Colonne Durruti pendant la Révolution Espagnole.
Alors que l’extrême droite essaye de faire son retour et qu’elle n’hésite pas à revisiter l’Histoire, nous vous invitons à aller visiter cette exposition et d’une manière générale à apporter votre soutien à l’Amicale du Camp de concentration du Vernet, qui permet de remettre certaines pendules à l’heure.
CNT-AIT
Sacha SCHAPIRO (1889 – 1942), anarchiste, makhnoviste, membre de la Colonne Durruti, assassiné par les Nazis à Auschwitz
(texte extrait de l’article « Des lumières dans la nuit : portraits de quelques anarchistes déportés à Auschwitz » https://cnt-ait.info/2024/05/03/lumieres-nuit) Télécharger au format PDF : cliquer ici
Jeunesse
Né dans une famille de la classe moyenne juive d’Ukraine, Alexandre Schapiro s’en éloigne, en 1904, dès ses quatorze ans pour adhérer à un groupe anarchiste, engagement passionné qui marque toute sa vie.
Il participe à la Révolution russe de 1905.
Prisons tsaristes
Deux ans plus tard, il est arrêté avec d’autres membres de son groupe et échappe à la peine de mort, en raison de son jeune âge, pour être condamné à la prison à vie. Il est incarcéré à Moscou, avant d’être transféré à Iaroslavl (Gouvernement de Iaroslavl), où les conditions de vie sont ne sont pas aussi mauvaises et où il est incarcéré pendant une dizaine d’années.
En 1909, lors d’une de ses nombreuses tentatives d’évasion, il est blessé au bras gauche, qui doit être amputé. Il tente vainement de se suicider. En 1914, il est placé à l’isolement pendant un an.
Révolution Russe
Libéré à la faveur des événements de 1917 et il est fêté comme un héros. Il est alors proche de l’individualiste libertaire Lev Tcherny (exécuté par la Tcheka en 1921) et de Maria Nikiforova (laquelle fut fusillée en 1919 à Sébastopol par les armées blanches). Il rencontre sa première femme, Rachel Shapiro, avec qui il a un fils prénommé Dodek.
Jusqu’en 1921, il combat en Ukraine, à la tête d’un groupe autonome de partisans anarchistes lié à l’Armée révolutionnaire insurrectionnelle ukrainienne de Nestor Makhno.

Exils à Paris et Berlin
En 1921, poursuivi par les bolcheviques, il fuit à Minsk, où il rencontre Alexandre Berkman qui lui fournit de l’argent pour franchir la frontière russo-polonaise avec des faux papiers, sous l’identité de Alexandre Tanarov. Il devient apatride pour le reste de sa vie.
Il séjourne successivement à Paris, en Belgique puis à Berlin, où il gagne sa vie comme photographe de rue.

À Paris, il fréquente le romancier Sholem Asch et le peintre et journaliste Aron Brzezinski, qui réalise un buste en bronze de Sacha. Il a des contacts occasionnels avec Nestor Makhno et le cercle des exilés anarchistes russes.
En mai 1924, il est parmi les fondateurs de l’Œuvre internationale des éditions anarchistes (où il représente le mouvement libertaire russe) avec entre autres Sébastien Faure, Ugo Fedeli, Séverin Ferandel et Isaak Gurfinkiel (Walecki). En 1924 et 1925, il collabore à la Revue internationale anarchiste, « revue mensuelle polyglotte » (en fait trilingue), où il publie au moins deux articles sous le nom de Sacha Peter. En 1925, il est hébergé à Fontenay-sous-Bois chez l’anarchiste italien Onofrio Gilioli. En 1936, il réside toujours dans cette commune où il est revenu s’installer.
En 1926, il rejoint Berlin, où se trouve le siège de l’Association Internationale des Travailleurs (AIT), l’internationale anarchosyndicaliste, où il est très actif sous le nom de Sacha Piotr (ou Sascha Pjotr). Il fréquente les milieux libertaires russes autour de Alexandre Berkman (qui anime le fond de secours de l’AIT pour les anarchistes russes emprisonnés et exilés), se lie avec l’écrivain libertaire Theodor Plievier qui lui consacre une nouvelle, Stienka Rasin publiée en 1927.
En 1928, il se lie d’amitié avec Buenaventura Durruti et Francisco Ascaso. Il rencontre également l’anarchiste italien Francesco Ghezzi (mort dans un camp de concentration soviétique en Sibérie en 1942).
À Berlin, il rencontre Johanna Grothendieck (ou Hanka Grothendieck). Elle est née dans une famille de la classe moyenne à Hambourg. Elle travaille comme journaliste pour le journal progressiste Der Pranger (Le Pilori). Elle est sympathisante de mouvement libertaire où elle rencontre Sacha. En 1933, après l’arrivée d’Hitler au pouvoir, il quitte Berlin pour Fontenay-sous-Bois, où il est rejoint, en décembre, par Hanka. Ils laissent en Allemagne leurs enfants : une fille de Hanka et leur fils Alexander Grothendieck.



Révolution espagnole

À l’annonce du déclenchement de la révolution sociale espagnole de 1936, le couple part en Espagne, à Barcelone. Ils sont aux côtés des anarchosyndicalistes de la Confédération nationale du travail (CNT-AIT) et de la Fédération anarchiste ibérique. En 1937, sous le nom de Sacha Pietra, lors d’une assemblée de volontaires étrangers de la Colonne Durruti de la CNT-AIT, il déclare :
« Moi je ne suis pas milicien, mais j’ai été en Russie où j’ai vécu la Révolution et j’ai pu remarquer la façon dont on s’est débarrassé des anarchistes là-bas »[1].
À la défaite de la République espagnole, il prend la route de l’exil en France, lors de la Retirada de février 1939. Il s’établit à nouveau en région parisienne où il est hébergé par la famille de Julien Malbet. En mai, ils récupèrent leur fils Alexandre Grothendieck laissé en Allemagne en 1933, aux bons soins d’une famille amie. En septembre, ils se rendent tous les trois à Nîmes où ils font les vendanges. Hanka, réfugiée politique, est employée comme « domestique » par le commissaire de la ville.
Déportation et mort à Auschwitz
Le 29 octobre 1939, sous la Troisième République, le commissariat central de Nîmes dresse une liste de quatorze Espagnols et d’un « réfugié russe », « anarchiste », « désignés pour être internés au camp de concentration du Vernet Ariège ».
Le 31 octobre 1939, il est interné au Camp du Vernet d’Ariège (ouvert en février), où un jour l’anarchiste May Picqueray, venue visiter le militant italien Fernando Gualdi, le rencontre et parvient à lui donner de la nourriture, bien qu’il soit dans la section des punis. Les régimes changent, Vichy remplace la République, mais Sasha reste emprisonné au camp du Vernet, comme nombre d’antifascistes étrangers bientôt rejoints par les Juifs raflés par la police française. Sa compagne Hanka et leur fils sont internés au Camp de Rieucros (ouvert en janvier 1939), puis, parviennent à se cacher dans les Cévennes pendant l’occupation. Sacha quant à lui transféré les 16 juin 1941 vers le camp de Noé (Haute Garonne) avant d’être transféré à Drancy.
Sacha Piotr est arrêté par la Gestapo (qui aurait alors saisi une valise contenant de nombreux documents sur l’histoire du mouvement Makhnoviste). Le 14 août 1942, sous le nom d’Alexander Tanaroff, il est l’un des 991 déportés du convoi numéro 19, le premier à transporter des enfants de moins de 10 ans, parti du Camp de Drancy vers Auschwitz. 875 d’entre eux sont gazés dès leur arrivée au camp.
Postérité
Sa compagne, Hanka, qui survit à la guerre et s’est installée près de Montpellier (Hérault) a écrit une nouvelle inédite Eine Frau sur leur vie à Berlin. Elle est décédée en 1957 des suites d’une tuberculose contractée au camp de concentration.
Leur fils Alexander Grothendieck (1928-2014), considéré comme l’un des plus grands mathématiciens du XXe siècle, a consacré plusieurs pages à son père. (lire : In Memoriam Alexandre Grothendieck … https://cnt-ait.info/2022/02/18/grothendieck)
Parlant de Sacha dans Récoltes et Semailles, son fils précise : « […] mon identification à mon père, dans mon enfance, n’a pas été marquée par le conflit […] en aucun moment de mon enfance, je n’ai ni craint ni envié mon père, tout en lui vouant un amour sans réserve. Cette relation-là, la plus profonde peut-être qui ait marqué ma vie (sans même que je m’en rende compte avant cette méditation […]), qui dans mon enfance a été comme la relation à un autre moi-même à la fois fort et bienveillant – cette relation n’a pas été marquée par le sceau de la division et du conflit. » ; et plus loin : « Les valeurs dominantes dans la personne de chacun de mes parents, tant ma mère que mon père, étaient des valeurs yang : volonté, intelligence (au sens : puissance intellectuelle), contrôle de soi, ascendant sur autrui, intransigeance, « Konsequenz » (qui signifie, en allemand, cohérence extrême dans (ou avec) ses options, idéologiques notamment), « idéalisme » au niveau politique comme pratique. ».
[1] Révolution ou Front antifasciste ? Le débat au sein du Groupe international de la Colonne Durruti en 1937
https://cnt-ait.info/2023/07/18/debat-juin-1937/

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