A propos de l’antifascisme …
Si l’antifascisme est en quelque sorte pour nous anarchistes une évidence politique et stratégique dans le sens où l’on se retrouve à l’absolu opposé des valeurs et des moyens déployés par le fascisme, il est également évident qu’en participant à ce genre de rassemblement, nous devons souligner :
Que le fascisme n’est pas un « accident » historique, mais une possibilité (plus brutale) parmi les différents modes de gouvernance contribuant à maintenir en place une élite bourgeoise et un système économique basé sur l’exploitation.
Qu’il intervient toujours « par et pour le haut » contrairement à ses prétentions « sociales » qui ne sont que promesses électoralistes sur un terrain qui a d’ailleurs largement été déserté par la gauche de gouvernement ou parlementariste, lui facilitant l’essor qu’on observe.
Qu’à ce titre, nous resterons opposés aux logiques de type « front commun républicain » qui enterrent la lutte de classe et la volonté de transformation sociale et promeuvent l’élection d’un «moins mauvais» pour faire barrage «au pire».
Nous sommes confrontés aujourd’hui, alors que cette année, les états commémorent la libération des camps de concentration nazie à une résurgence des idéologies d’extrême droite et des mouvements nationalistes dans de nombreux pays. Pour cela, ils exploitent les craintes liées au chômage, la baisse du pouvoir d’achat, la destruction des services publics (hôpitaux, crèches, éducation etc…), insécurité, immigration.
Les idées d’extrême droite dans le débat public se banalisent. Il devient de plus en plus difficile de distinguer les propos tenus par des partis politiques traditionnels de ceux de l’extrême droite, comme les propos de F. Bayrou sur la soi-disant «submersion» propos qu’il a maintenu à l’assemblée nationale sous les applaudissements du «socle commun» et du parti néo-fasciste RN.
Pour ces organisations, la violence (verbale, physique, etc…) est un outil privilégié pour intimider et assoir leur domination. Même si ils essayent de se donner une image « lisse et respectable » en façade, on a bien vu lors des dernières élections que dès qu’on gratte le vernis on tombe sur des racistes et des personnes violentes.
De plus ces mouvements n’hésitent pas à réécrire l’histoire pour légitimer leurs idées et leurs actions. On le voit par exemple avec des gens comme Eric Zemmour qui réécrivent l’histoire du Pétainisme en essayant de nous faire croire que ce n’était pas un régime antisémite. Alors que c’est bien la police française pétainiste qui a arrêté les femmes et les enfants juifs lors de la rafle du Vel d’Hiv ! Pour nous, être antifasciste c’est ne pas oublier ce passé terrible, pour qu’il ne se renouvelle jamais
Ce qui nous semble grave c’est que les méthodes de l’extrême droite, qui sont contre la liberté d’expression, commencent à contaminer les pouvoirs publics. Ils crient à la censure mais ils sont les premiers à la pratiquer ! Nous l’avons vu ici avec l’interdiction par la préfecture de l’Allier d’une conférence «pour une paix juste et durable en Palestine» qui aurait dut avoir lieu le 9 décembre 2024 sur la commune de Commentry à l’initiative de la CGT Allier. Être antifasciste pour nous c’est lutter pour la liberté de conscience et d’expression, même si nous ne sommes pas nécessairement d’accord.
La CNT-AIT, avec notre histoire de lutte contre le fascisme et notre encrage dans les mouvements sociaux avons un rôle à tenir dans ce combat sans tomber dans le piège de «front uni» ou autres balivernes qui ne servent qu’à légitimer ceux qui créent les conditions de la montée de l’extrême droite ici et ailleurs (partis parlementaires et états).
1- Un antifascisme radical :
La CNT-AIT cherche à comprendre les causes profondes du fascisme qui sont situées dans les inégalités sociales, l’exploitation capitaliste, le pouvoir autoritaire et la lutte de classe.
Le fascisme est un outil du capitalisme et de la bourgeoisie pour diviser la classe ouvrière et maintenir son pouvoir. L’antifascisme est donc intrinsèquement lié à la lutte des classes et par conséquent ne peut se fondre dans un quelconque « front républicain» qui va de la droite en passant par les partis de gauches et d’extrême gauche.
Et si on va encore plus loin à la racine, on retrouve deux autres points fondamentaux, qui sont caractéristiques de tout régime autoritaire – dont le fascisme n’est qu’une variante historique :
– la primauté de l’obéissance hiérarchique : pour les autoritaires, la société doit être menée par un chef, dont l’autorité ne saurait être remise en question.
– La communauté organique : pour les autoritaires, l’individu (tel qu’il a émergé de la philosophie des Lumières) n’existe pas. Il n’y a pas de libertés individuelles. Il n’y a que la communauté soudée autour de principes identitaires (pour les fascistes ces principes sont la patrie, la nation). Les autoritaires articulent les principes identitaires avec la hiérarchie car ils divisent la société entre ceux qui font partie de la communauté (« nous »), qui seraient supérieurs, et les autres (« eux ») qui seraient inférieurs.
Pour nous être radicalement antifasciste c’est lutter à la racine contre les divisions identitaires, quelles qu’elles soient. Pour nous, tout ce qui est Humain est notre. C’est pour cela que nous rejetons toute forme de racisme, comme toute forme de discrimination basée sur le sexe ou autre.
2. un antifascisme anti étatique
Mussolini, le fondateur du fascisme dans les années 1920, a expliqué que « pour le fasciste, tout est dans l’État, et rien d’humain ni de spirituel n’existe et a fortiori n’a de valeur, en dehors de l’État. » Nos fascistes modernes pensent la même chose : ils veulent toutes et tous un Etat fort.
Nous pensons que l’Etat opprime les aspirations des individus, au profit de la classe dominante et de ses intérêts exclusifs. Malheur à ceux qui osent s’opposer à l’Etat : on l’a vu avec les Gilets jaunes et la façon dont l’Etat les a réprimés.
C’est pour cela que nous pensons que l’antifascisme ne consiste pas à chercher à conquérir le pouvoir d’Etat, mais bien à abolir l’Etat et le Pouvoir, pour le remplacer par un système de communes fédérées et autogérées, en démocratie directe.
3- Un antifascisme syndicaliste :
L’organisation syndicale est au cœur de notre approche. Nous travailleurs, nous devons nous organiser nous-mêmes pour défendre nos intérêts et lutter contre toutes les formes d’oppressions y compris le fascisme.
Le syndicalisme réel (et pas le simulacre que nous en donnent aujourd’hui les syndicats intégrés) est l’ennemi particulier du Fascisme. Celui-ci a toujours eu pour but de lui substituer la Corporation, une organisation de type familial et archaïque sous les ordres de L’État, les intérêts du Patronnât étant naturellement préservés dans cette hiérarchie, les syndicats vidés de leur substance n’étant plus que des outils de contrôle des travailleurs.
Par syndicalisme réel, nous soulignons l’importance du rôle révolutionnaire du syndicat, qui conjugue la défense des intérêts des travailleurs et travaille à L’émancipation de l’Humanité toute entière. En cela, la lutte des classes est reconnue comme l’outil et le moteur de l’Histoire.
Le fascisme a donc pour premier réflexe d’“abolir” la lutte des classes, considérée comme dépassée par l’harmonie promise par l’État corporatiste. Évidemment, cette “abolition” ne peut avoir lieu en maintenant le capitalisme, car la lutte des classes est autant un combat politique qu’une réalité sociologique dans le système capitaliste. Les rapports de classe ne peuvent être transformés que par la révolution et la collectivisation des moyens de production, qui sont précisément l’exact opposé de la doctrine fasciste.
Car le fascisme, évidemment, s’il veut réformer l’organisation sociale, ne s’attaque pas à la propriété des moyens de production. Au contraire, il la conforte pour museler les travailleurs dans sa Charte du Travail. Le Patronnât garde ses bénéfices, pourvu qu’ils servent les visées de l »État fasciste, souvent belliciste, colonialiste et expansionniste.
Pour parvenir à ces fins, l’État fasciste recrute dans les cadres du syndicalisme dit « de réforme », en opérant la confusion entre la solidarité et la collaboration de classe. Vichy recruta notamment René Belin comme Ministre du Travail, rédacteur de la Charte du Travail en 1941 et ancien membre du bureau confédéral de la CGT d’avant-guerre.
La valeur Travail est le fin du fin du Fascisme. Historiquement cela s’est confirmé à Vichy, sous Franco et sous Salazar. C’est encore vrai aujourd’hui, tous les partis d’extrême droite vantant « l’effort » et pour tout dire la servitude au service d’un État et d’une hiérarchie toute puissante, considérés comme vertueux et pour tout dire rédempteur, dans un mélange nauséeux de fascisme et de christianisme
L’anarcho-syndicalisme, lui, vise à toute fin l’abolition du Travail, pour une société sans classe dévouée à la culture de soi-même et oeuvrant au bonheur terrestre. En cela, autant par les buts que par les moyens, tous deux sont des ennemis irréconciliables.
4- Un antifascisme international :
Le fascisme est un phénomène mondial. Il s’exprime sous différente formes selon les pays mais partout il exerce ou cherche à exercer un pouvoir totalitaire, que ce soit en Iran, en Afghanistan, en Russie, en Argentine, en Hongrie, demain aux USA, etc. …. On insiste sur la nécessité d’une lutte internationale, en solidarité avec les travailleurs du monde entier. Nous prônons l’unité de tous les travailleurs du monde entier, indépendamment de leurs origines nationales ou ethniques, contre les divisions fomentées par la bourgeoisie, le capital, les organisations et partis fascistes.
EN PRATIQUE :
Nous luttons contre le fascisme sous toutes ses formes, en luttant contre les divisions identitaires qui alimentent les discours de haine (anti-IVG, anti- migrants, anti- LGBT etc…). Nous sommes ancrés dans nos idées syndicalistes-anarchistes, révolutionnaires et internationalistes.
Dans l’histoire les fascistes se sont servis des prolétaires et des classes populaires pour prendre le pouvoir, en mélangeant promesses « sociales » et arguments racistes. Mais une fois que les fascistes ont été au pouvoir, les promesses sociales se sont envolées, ne sont restés que les arguments racistes, et ça a mal finit pour les classes populaires.
C’est pourquoi nous nous attaquons aux causes profondes : le capitalisme – dont le fascisme est un des visages particulièrement brutal, c’est pourquoi nous sommes profondément engagés dans la lutte des classes ; ainsi que la lutte contre les concepts identitaires qui alimentent le racisme qui nous divise.
CNT-AIT (Association Internationale des Travailleurs)
Texte à l’initiative de la CNT-AIT 03 (Allier), avec la participation de la CNT-AIT Grand Ouest et CNT-AIT Paris Banlieue
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