Les prud’hommes ne défendent pas les travailleurs, ils les jugent !

dimanche 3 novembre 2002

Les travailleurs ne s’émanciperont pas en élisant leurs juges.

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Sous une apparence sociale, le droit du travail est un droit bourgeois. Même si parfois consenti sous la pression ouvrière, il a pour fonction essentielle de renforcer à terme la société capitaliste

Le conseil des prud’hommes applique le droit du travail aux litiges individuels entre patrons et salariés. Le conseil des prud’hommes est une juridiction bourgeoise au service du capitalisme.

Pragmatiques, utilisons-le quand ils nous sert (ce qui est rare. A noter que quand nous utilisons les prudh’ommes en ce qui nous concerne nous gagnons généralement nos procès. Cf. ici par exemple : « Discrimination syndicale, victoire de la CNT-AIT par KO » https://cnt-ait.info/2022/10/18/discrimination-03/ ). Anarchosyndicalistes, passons outre s’il nous est défavorable ; l’action directe est bien plus efficace.

Elire ses juges, c’est légitimer une justice fondée sur le droit d’exploitation de l’homme.

[mise à jour 2016 : [Cet article a été publié à une époque où pour faire croire que les tribunaux prud’hommaux étaient une instance démocratique, il état laissé à chaque collège d’électeur (patrons, salariés) l’illusion de choisir leurs juges en les élisant. Depuis la nouvelle loi travail de Macron-Hollande et cie, l’Etat ne s’embarrasse plus d’alibi démocratique ni d’organiser des élections coûteuses et inutiles. Les juges prud’hommaux sont désignés par le Ministre de la Justice et celui du Travail sur proposition des organisations de collaboration de classe que sont les syndicats institutionnels de salariés et les associations patronales. Cela ne fait que renforcer notre analyse que les Prud’hommes ne défendent pas les travailleurs mais qu’ils les jugent]


Qui juge les conflits du travail ?


La campagne menée actuellement par les confédérations réformistes pour les élections prud’homales occulte une réalité la majeure partie des litiges du travail échappent à la compétence des conseils des prud’hommes. Ceux-ci jugent uniquement les litiges nés de l’exécution ou de la rupture du contrat de travail. En outre, s’ils étaient traditionnellement juges des licenciements, le rôle principal revient aujourd’hui au tribunal administratif lorsque le congédiement est soumis à une autorisation de l’administration (Inspection du travail) ; tel est le cas pour le licenciement des représentants du personnel. Voici une petite présentation des différentes juridictions appelées à trancher les litiges du travail.

Le conseil des prud’hommes juge du contrat de travail. Le travailleur doit s’adresser au conseil des prud’hommes lorsque le conflit est lié :
-  à l’exécution du contrat de travail paiement du salaire. congés payés, etc…
-  à sa rupture Si le conseil des Prud’hommes est seul compétent pour tout ce qui entoure les licenciements (préavis, indemnités de licenciement proportionnelles à l’ancienneté dans l’entreprise, certificats de travail, etc…), il n’est plus nécessairement juge de la légitimité des congédiements subordonnés à une autorisation de l’administration. En effet. par le biais du contrôle de la décision de l’inspecteur du travail. c’est en réalité le Tribunal Administratif qui juge le motif du licenciement.

Le Tribunal d’instance : juge de l’élection des représentants du personnel.
Le Tribunal d’Instance est traditionnellement juge du contentieux électoral. C’est donc lui qui a été déclaré compétent pour tous les litiges qui naissent à l’occasion de l’élection des délégués du personnel et des membres du comité d’entreprise contestation de la représentativité du syndicat présentant des candidats, effectifs de l’entreprise, éligibilité des candidats…
En raison de la similitude des litiges. le Tribunal d’instance a été reconnu juge de la désignation du délégué syndical.
Sur ces questions, ses décisions sont sans appel, elles ne peuvent faire l’objet que d’un recours en cassation.

Le juge des référés juge des voies de fait.
Le référé est une procédure permettant d’obtenir du juge (le président du Tribunal de Grande Instance) qu’il prononce rapidement les mesures nécessaires à la protection d’un droit. Le référé peut ainsi par exemple âtre utilisé par les travailleurs pour demander la réintégration dans l’emploi d’un représentant du personnel licencié sans autorisation administrative, ou par les patrons pour demander l’expulsion des grévistes occupant l’entreprise ou le retrait de l’affichage politique sur les panneaux syndicaux.
A ne pas confondre avec le référé prud’homal.

Le Tribunal de Grande Instance : juge de droit commun en matière civile.
Le Tribunal de Grande Instance est le juge de droit commun en matière civile, c’est-à-dire que sa chambre civile connaît toutes les affaires pour lesquelles la loi n’a pas déclaré compétent un autre tribunal. Il est ainsi saisi, par exemple, pour juger le contentieux des conventions collectives.

Le Tribunal Correctionnel juge des poursuites pénales.
La Chambre Correctionnelle du Tribunal de Grande Instance (dite Tribunal Correctionnel) est saisie soit sur plainte d’un travailleur, d’un syndicat ou sur procès-verbal d’un inspecteur du travail.
Elle connaît les infractions à l’hygiène ou à la sécurité ainsi que l’entrave au droit syndical. Elle juge si le patron a ou non commis le délit pénal qui lui est reproché et le condamne ou le relaxe.

Le Tribunal Administratif juge des autorisations de licenciement.
Sont subordonnés à une autorisation de l’Inspection du Travail les licenciements des « salariés protégés » : délégués du personnel, délégués syndicaux et membres du comité d’entreprise. L’autorisation donnée par l’inspecteur du travail ou son relus étant des actes administratifs, c’est au Tribunal Administratif qu’un représentant du personnel ou le patron doivent s’adresser pour en demander l’annulation.
Si le conseil des prud’hommes n’a à connaître qu’une faible partie des conflits du travail, il est loin de les juger tous. En effet, il y a deux niveaux en prud’hommes la conciliation devant deux juges (un patron et un salarié), puis, s’il n’y a pas de concertation possible, ce qui est presque toujours le cas, le jugement devant deux juges-patrons et deux juges-salariés. Si ceux-ci ne peuvent se mettre d’accord (ce qui est fréquent mais devrait être le cas général si les juges-salariés avaient un peu plus de conscience de classe), le jugement est renvoyé en « départition » devant le juge d’instance.
De plus, que ce soit le bureau de jugement du conseil des prud’hommes ou le juge d’instance venu à la rescousse qui ait jugé l’affaire, celle-ci ira généralement ensuite en appel devant la chambre sociale de la cour d’appel, puis, éventuellement devant la chambre sociale de la cour de cassation.
En conclusion, on peut affirmer que môme pour les conflits relevant de la compétence du conseil des prud’hommes, le jugement final dans la quasi4otalîté des cas, émane d’un juge professionnel. Les conseils de prud’hommes ne servent qu’à donner l’illusion aux travailleurs qu’il y a un lieu ou ils peuvent êtres jugés par leurs pairs.


Pourquoi nous boycottons les élections prud’homales ?


Depuis 1979, la Confédération Nationale du Travail (CNT) appelle au boycott des élections prud’homales les travailleurs ne s’émanciperont en élisant leurs juges. Cette position ne relève pas d’une volonté de se singulariser mais s’inscrit comme conclusion logique d’une analyse syndicale du contexte écono-mique et social, des principes fondamentaux du syndicalisme, de la structure juridique et judiciaire.

1. Le découragement actuel des travailleurs a une double origine. La situation économique (chômage massif, précarité et flexibilité…) dont ils sont les victimes. L’écroulement du mythe d’un gouvernement de gauche et les trahisons des centrales réformistes.
Reprendre le combat de défense ouvrière contre les intérêts capitalistes supposerait une attitude syndicale offensive, sans concessions, une volonté de changement radical. Les élections prud’homales sont le contraire de cela, ce qui est au fond est normal puisque la loi qui les instaure émane de l’Etat, garant de l’ordre
Elles désamorcent les ferments d’action directe en favorisant une délégation de pouvoir sans contrôle ; en organisant dans l’entreprise une campagne électorale qui divise les travailleurs, les écarte des vrais problèmes, pour n’être plus qu’un « tiercé » de représentativité.
Elles confortent la collaboration de classes dans le monde du travail. Après le cautionnement du parlementarisme par le Conseil Economique et Social, c’est le cautionnement de la justice bourgeoise.

2. Les anarcho-syndicalistes, s’ils comprennent que des hommes de la classe dominante jugent d’autres hommes pour préserver leurs intérêts, s’inquiètent de la démarche des travailleurs qui , de concert avec des patrons, puisque tel est le principe des prud’hommes, acceptent de juger d’autres travailleurs.
Pour nous, il est inimaginable qu’un compagnon soit juge, qu’il soit amené à juger un différend entre un travailleur et un patron. La question n’est pas de savoir qui a raison au regard du droit mais de combattre aux côtés d’un homme qui de toute façon est exploité par un autre homme.

3. Le droit du travail est un droit de la société capitaliste, conçu par elle pour un meilleur fonctionnement possible. Il n’est pas moins bourgeois que le droit civil ou le droit commercial. Présenté comme protection des travailleurs par le pouvoir, il n’a que subsidiairement cette fonction. Depuis des décennies, en l’absence de luttes ouvrières, l’Etat instaure une multitude de déréglementations du droit du travail, dégrade nos conditions de vie et de travail (travail temporaire, annualisation du temps de travail, allégement des procédures de licenciements économiques…) ; quelque soit l’étiquette syndicale des élus aux prud’hommes, c’est le droit actuel qui sera appliqué.
Le conseil des prud’hommes le voudrait-il, il ne peut défendre un travailleur. Prenons l’exemple de la loi sur les licenciements individuels non-économiques. Si le conseil juge que le travailleur a été licencié sans cause réelle et sérieuse, il ne pourra ordonner sa réintégration mais seulement la proposer. Comme l’employeur la refusera à tous les coups, le salarié devra se contenter de dommages et intérêts, qui même équivalents à six mois de salaires, font qu’en période de chômage, même gagnant, il est perdant.

4. Outre que le droit qu’il applique est un droit de classe, un droit qui permet l’exploitation de l’homme par l’homme, le tribunal des prud’hommes est lui-même inséré dans un système judiciaire de censure qui fait du paritarisme, si souvent avancé, un leurre.
Précisons d’abord que la compétence du conseil des prud’hommes, limitée aux litiges individuels résultant du contrat de travail est réduite.
Etant entendu que le conseil est composé d’un nombre égal de juges employeurs et salariés, à supposer que les juges ouvriers prennent systématiquement le parti des travailleurs (ce qui jusqu’à présent n’est pas la règle) et les juges employeurs celui des patrons, pour faire une majorité la loi prévoit l’intervention du juge départiteur, juge d’instance, juge professionnel, ayant peu de chance d’être lié à la classe ouvrière.
Pratiquement, de plus, toutes les affaires sont susceptibles d’appel. Oui juge en appel ? Des juges professionnels. Indépendamment du montant de la demande, toute affaire est susceptible de cassation où interviennent encore des juges professionnels.
Si la procédure devant les prud’hommes est peu onéreuse et relativement simple (encore que la démarche judiciaire soit loin d’être un réflexe ouvrier et que les. travailleurs se défendent mal devant les prud’hommes), il n’en va pas de même en appel et en cassation : argent et procédure décourageront le travailleur, aurait-il cent fois raison devant la loi.
Finalement, on peut résumer les raisons de boycott des élections prud’homales en dix points :

Des raisons de principe :
1. Un travailleur n’a pas, de concert avec un patron, à juger un autre travailleur.
2. Un travailleur n’a pas à élire des juges du système judiciaire capitaliste.
3. Les travailleurs n’ont pas à appliquer et à se soumettre au droit du travail bourgeois.

Des raisons de conjoncture :
4. La campagne électorale détourne les travailleurs des vrais problèmes, de l’action directe et de la lutte des classes.
5. Elle divise les travailleurs en instituant des élections de représentativité.

Des raisons institutionnelles :
6. Le conseil des prud’hommes a une compétence très limitée : les litiges individuels relevant du contrat de travail, en pratique les licenciements indivi-duels non-économiques.
7. Même s’il voulait juger plus en conscience qu’en légalité, même s’il prenait systématiquement le parti des ouvriers, la hiérarchie judiciaire viendrait réviser ses décisions.
8. La jurisprudence à laquelle, de fait, il est soumis émane de la chambre sociale de la Cour de Cassation, illustre pour son caractère réactionnaire.
9. Le paritarisme est un leurre. Si les juges patrons et salariés ne parviennent pas à se mettre d’accord, pour les départager intervient un juge professionnel, le juge d’instance.
10. Si l’affaire va en appel ou en cassation, c’est de nouveau des juges professionnels qui statuent.

Une seule de ces raisons devrait faire hésiter le syndicaliste. Réunies, elles ruinent le crédit de l’institution. Pourquoi la CNT est-elle la seule organisation syndicale appelant au boycott d’élections d’encadrement, de démobilisation, d’intégration de la classe ouvrière ?


Les prud’hommes jugés : témoignages.


Les critiques que formule la CNT à l’encontre de l’institution prud’homale peuvent apparaître comme des positions de principe tenant assez peu compte d’une réalité que nous connaîtrions assez mal. Ce n’est pas le cas. Il nous arrive aussi d’intervenir aux prud’hommes en tant que défenseurs jamais en tant que juges), bien que nous ne nous fassions guère d’illusions sur ces procédures. Il nous a semblé intéressant de publier plusieurs témoignages de militants syndicaux qui développent sur la base de leurs expériences, des critiques virulentes contre les prud’hommes.

Les prud’ hommes ça ne sert pas à grand chose

Sylvaine a été conseillère prud’homale de 1979 à 1984 (Paris, section industrie).
Son histoire commence par un hasard elle était présente au local syndical de son entreprise au moment de constituer les listes en vue des élections de 1979. Et les candidats étaient rares…
Elle a accepté, sans bien connaître l’institution, pensant « qu’il y avait peut-être des choses intéressantes à faire ».
Malgré une formation, Sylvaine a le sentiment d’être « un peu paumée », un peu « précipitée dans l’arène ».

LA COMEDIE HUMAINE
C’est l’expression de Sylvaine pour décrire les situations exposées le plus souvent devant le conseil des prud’hommes. Ce sont les salariés isolés dans l’entreprise, non organisés, qui s’adressent à lui. Leurs demandes, très souvent. ne correspondent pas à leurs cas personnels, et ils en sont la plupart du temps mal défendus par leur avocat, lorsqu’ils en ont un.
Beaucoup de salariés s’adressent au conseil de prud’hommes comme ils s’adressent à l’assistance sociale : ils n’ont pas l’idée de justice mais d’assistance. D’autres espèrent décrocher le « jackpot »…

UNE JUSTICE MOINS SOLENNELLE
Sylvaine reconnaît qu’au sein des conseils, c’est la logique qui l’emporte, autant côté salariés que côté employeurs. Le discours tient compte du vécu de l’entreprise. C’est pourquoi la justice prud’homale est une justice moins solennelle, qui impressionne moins le salarié.
Mais, constate Sylvaine, les jugements sont plus souvent rendus « en équité » qu’en droit. Est-ce pour cette raison « qu’il y a très peu de jugements bien ficelés » juridiquement, et qu’ils sont, dans une large proportion, réformés en appel ou en cassation par des magistrats professionnels ?

PAS DE STRATEGIE SYNDICALE
De son passage au conseil des prud’hommes, Sylvaine tire un constat amer et sévère à l’égard des confédérations syndicales. Sauf dans la phase électorale, elles ne s’intéressent pas aux conseillers prud’hommes.
Par exemple, elle s’étonne de l’absence de tout contrôle syndical sur les pratiques des conseillers.
Après l’élection, plus aucun suivi syndical, même lorsque certains ont la volonté d’agir.
En revanche, les conseillers-employeurs reçoivent des consignes du CNPF, comme en 1984, pour s’opposer à ce que des ordonnances soient prises lors des conciliations.
Enfin, pour Sylvaine, c’est une « illusion de faire croire aux conseillers qu’ils vont pouvoir continuer à travailler et faire, en même temps, très bien leur travail de conseiller prud’homme ».
Propos recueillis le 20.10.1987 par l’UL CNT de Paris, publié dans « Le Combat Syndicaliste » de novembre 1987.

FAVEURS AUX PATRONS, POIDS DE L’APPAREIL JUDICIAIRE ET IMPUISSANCE
Les témoignages qui suivent sont des extraits d’un débat paru dans « Courant Alternatif » en mars 1984. Ce débat s’est déroulé à Longwy entre Ghislain (G), conseiller ppud’homal depuis 10 ans, Jane (J) conseillère depuis 2 ans, Patrice (P), qui l’a été en 1980, Alexis (A) qui est fréquemment défenseur, et deux militants n’intervenant pas en prud’hommes : Jean-Claude (J-C) et Hager Dunor (H.D), animateur du débat. Nous avons regroupés des extraits de ce débat par thème.

DES FAVEURS AUX PATRONS
A l’origine, les conseils de prud’hommes étaient des tribunaux exclusivement patronaux destinés à régler avec un semblant de justice les conflits du travail. En fait, ils étaient très généralement favorables aux patrons : comment pourrait-on condamner ses pairs accusés par la racaille ouvrière ? On pourrait s’imaginer qu’avec le paritarisme (2 conseillers-patronaux pour 2 conseillers-salariés) ces préjugés favorables aux patrons ont disparu. Ce n’est pas bien entendu le cas, et face aux professions de la justice et aux patrons coalisés, le conseiller s’écrase mollement. Un exemple l’attitude des prud’hommes face à l’absence de l’une ou l’autre des parties.
-  A : Ce qui me paraît aussi important dans les prud’hommes, c’est que quand le travailleur ne peut pas venir à une convocation, il faut qu’il justifie d’une maladie – et en bonne et due forme, hein ! avec certificat du médecin – ou d’une autre bonne raison. Alors que sur un cas précis, on est venu deux fois aux prud’hommes pour rien du tout : la première fois, le patron était en vacances, alors on lui a pas demandé un certificat de bonne santé ou dé bonnes moeurs. Et la deuxième fois, il était à un congé professionnel, alors que – on l’a su par la suite – il n’y avait pas de congrès professionnel ce jour-là Donc, je peux dire que déjà, au départ, il y a un choix, une priorité qui fait que le patron, il peut… Quand il n’est pas prêt au niveau de la défense, il recule l’affaire quand il veut. Un travailleur, quand il n’est pas prêt, il faut qu’il justifie.
-  J : Oui mais la, c’est au conseiller prud’homal à intervenir. Il peut demander les motifs de l’absence et puis les justificatifs. D’autant plus à l’employeur !… Surtout quand ça se passe deux fois comme ça, tu condamnes par défaut.
-  A : Je ne veux pas m’inscrire en faux sur ce que tu dis, mais sur ce cas précis, à deux reprises, il nous a fait la farce, et moi je sais que la deuxième j’ai ramené ma gueule, j ’ai dit « Maintenant ça commence à bien faire ! », et il n’y a aucun conseiller qui est intervenu… alors qu’ils peuvent intervenir, d’accord, mais ils ne se sont pas manifestés. Je veux dire : c’est pas vrai qu’ils interviennent, a mon avis les dés sont pipés.

LE POIDS DE L’APPAREIL JUDICIAIRE
Il faut rappeler aussi que le rôle laissé aux conseillers prud’homaux est très mince. Ils ne font qu’appliquer la législation qui est loin d’être toujours favorable aux salariés. De plus, ils sont dépendants des rites organisés par le greffier (ou la greffière) en chef, généralement favorable aux patrons. Enfin, si les conseillers salariés et employeurs ne tombent pas d’accord, l’affaire est renvoyée devant un juge professionnel, lui aussi peu susceptible d’avantager les travailleurs.
-  J : A mon avis, il y a aussi une bonne part du fait qu’il y a notre chère greffière en chef qui est là et qui mène les débats. Si le conseiller n’a pas assez de poigne et n’arrive pas à mener, lui, les débats…
-  A Ce qui est sûr, c’est que la mère X ., c’est quelqu’un qui connaît très bien son job, et qui manipule aussi bien les travailleurs que les patrons, d’ailleurs. En tout cas, les patrons lui filent le mandat en lui disant « toi, on sait que tu te démerdes. Donc, on te fait tout à fait confiance, tu fais pour le mieux… » Et ils ne sont jamais déçus, les patrons.
-  P : C’est vrai que la mère X ., elle fait tout pour défendre les patrons et qu’il y a des copains qui se laissent impressionner… Une fois qu’elle a ouvert sa gueule, c’est le bon dieu, ils croient tout ce qu’elle dit. Alors que des fois, elle raconte totalement des conneries.
-  J : Elle t’a au ventre, elle bluffe complètement, si tu marches…
-  G : Du fait de sa place, elle connaît les dossiers bien avant tout le monde. si bien qu’il est facile à un patron de lui dire avant l’audience : « vous orienterez vers telle ou telle chose, vous ferez ça »… ou « tu feras ça »… parce que… ! Et elle a encore un autre moyen, c’est de choisir les dates de l’audience avec les conseillers qui l’arrangent… C’est à dire les plus coulants… ou les plus durs pour certaines affaires.
-  A Mais ce que je voudrais dire, c’est que X., ce qu’elle est, c’est pas nouveau, mais ce n’est pas spécifique à Longwy. Partout, tu as une x. ; C’est un peu partout pareil, les patrons.. Enfin, ce n’est pas n’importe qui qui est greffier en chef ?
-  H.D : C’est quoi ce rôle de greffier en chef ?
-  J : Elle est chargée de gérer tout ce qui est administration…
-  A : C’est la patronne des prud’hommes !
-  H.D : C’est elle qui mène les débats ?
-  J : Théoriquement, non. Tu as un président d’audience, ça peut être un salarié ou un patron, c’est par alternance.
-  P : Même si t’es pas président de séance, si t’es seulement juge, tu peux poser des questions, etc.
-  H.D : Juge ? C’est à dire conseiller prud’homal ?
-  J : Si tu veux, t’as d’abord la conciliation, t’as un conseiller prud’homal salarié et un employeur. Bon, conciliation, il n’y en a jamais ou presque. La plupart du temps, c’est renvoyé en jugement. Et là, tu as deux conseillers salariés et deux conseillers employeurs. Tu as un dossier établi, avec des pièces, tu écoutes, tu poses les questions, et ensuite les quatre conseillers se réunissent et jugent.
-  H.D : En principe, ça devrait faire deux contre deux ! Alors comment ça se passe dans ces cas là ?
-  J : C’est la départition, c’est-à-dire qu’on est renvoyé devant le juge professionnel, le juge d’instance. Alors bon, dans ces cas là, il n’y a pas d’illusion à se faire, on est systématiquement perdant.
-  A : Bon, le juge, c’est pas un prolétaire, c’est clair ! De toute façon, les prud’hommes, c’est une juridiction qui a été créée par des bourgeois, par le système. et par définition, qui n’est pas faite pour défendre le travailleur. Sauf. comme le disait Ghislain, quand il s’agit des textes et purement des textes – là le travailleur a raison – mais dès qu’il y a sujet à interprétation des textes, alors, c’est la départition, le juge professionnel, ça va en appel.


Du côté des patrons.


Après les témoignages de salariés, nous publions ce que pense Maurice Gruson, président employeur du conseil de prud’hommes de Paris, de l’institution prud’homale. Son interview, dont nous piquons les meilleurs passages, est tirée de la publication officielle du Ministère du travail « Partenaires » n°29, sous le titre « les employeurs sont très attachés à la justice prud’homale ». Nous avons la naïveté de croire que ce qui est bon pour les employeurs ne saurait l’être pour les employés !

-  Q : On dit parfois que le paritarisme employeurs-salariés dans les conseils de prud’hommes peut être une source de blocages. Ce sentiment est-il justifié ?
-  R : On a toujours exagéré les difficultés qui pouvaient apparaître entre les deux parties. Il n’y a pas de batailles rangées. En dix années de présidence du collège employeur au conseil de Paris, j ’ai bien connu quelques petits incidents mais jamais de situation de blocage, contrairement à ce que certains disent. L’essentiel est de prendre les décisions de manière paritaire, que le président du conseil soit le représentant du collège des employeurs, le vice-président celui des salariés et vice-versa. (…) Mais ces cas de figures sont plutôt rares. Bien sûr, il y a des affaires qui sont portées devant le juge départiteur. Mais elles représentent en moyenne 5 à 7% des affaires traitées, ce qui prouve bien qu’il n’y a pas de blocage systématique, aussi bien du côté des conseillers-salariés que des conseillers-patronaux.
-  Q : Vous êtes vous-même conseiller prud’homal depuis 1963. Quelle évolution avez-vous constatée ?
-  R : Justement, il y avait beaucoup plus d’opposition il y a 25 ans et parfois, c’était franchement la bagarre avec les grands conflits du travail de l’époque. Mais depuis, le droit du travail a connu une formidable évolution. De fait, il y a moins de questions de principe qu’il pouvait y en avoir car elles ont été tranchées, revues et codifiées. Parallèlement, aussi bien du côté patronal que du côté des salariés, le droit syndical s’est beaucoup développé : tout le monde a désormais une meilleure connaissance des règles qui régissent le monde du travail et ses conflits, même s’il en apparaît de nouveaux.
Les grands affrontements syndicaux se sont également atténués et finalement, l’évolution sociale a suivi dans les conseils de prud’hommes et a eu des répercussions sur leur fonctionnement quotidien (…)
-  Q : Comment envisagez-vous votre rôle d’employeur au sein d’une institution où 98% des justiciables sont des salariés ?
-  R : (…) Nous nous retrouvons en tout cas autour d’une position commune nous voulons garder cette juridiction du travail sous sa forme actuelle et je suis personnellement opposé aux magistrats professionnels, le fameux débat sur l’échevinage. Il est clair qu’on est mieux à même de connaître les problèmes du travail lorsque l’on y est confronté quotidiennement sur le terrain.
Ainsi, nous connaissons la réalité du travail et pas seulement le droit.


Qu’est-ce qui fait courir les syndicats ?


Rares sont les thèmes syndicaux qui font l’unanimité dans leur principe comme parviennent à le faire les élections prud’homales. Etat, patrons et syndicats sont unis pour nous envoyer voter. Et pour cela, ils y mettent les moyens.
Ainsi en 1992. le ministère du travail a accordé pour chaque syndicat une subvention afin de financer leur campagne électorale : 2,8 millions de francs pour la C.G.T, la C.F.D.T. et F0 et 1,5 millions de francs pour la C.G.C. et la C.F.T.C. Les confédérations syndicales ont elles aussi mis la main à la poche la campagne de 1992 a coûté 8,8 millions de francs à la C.F.D.T., 2,8 millions de francs à la C.G.T. (plus les dépenses réalisées par les Unions Départementales). 10 millions à Force Ouvrière. 4 millions pour la C.F.T.C. et 6 pour la CG.C. Notons qu’il est bien rare de voir ces mêmes syndicats dépenser de telles sommes pour soutenir des grévistes !
Au delà des subventions directes accordées par le Ministère du travail aux syndicats « représentatifs », l’institution prud’homale permet un financement permanent des centrales réformistes par le biais de la formation juridique dispensée aux conseillers. En 1992 par exemple. l’Etat a versé 537 francs par jour et par stagiaire. Ces fonds représentent finalement des sommes colossales quand on sait que la C.F.D.T. déclare plus de mille journées de formation par an

Des patrons aussi investissent dans le consensus social. Ce fut en 1992 le cas de l’Aérospatiale qui valorisait l’institution dans toutes ses publications. Cette année, en Franche-Comté, c’est le Crédit Mutuel qui finance des tracts de la CFDT…
Qu’on soit d’accord ou non avec l’idée de justice paritaire, on s’aperçoit que la question judiciaire passe au second plan pour l’Etat, les patrons et les syndicats. Les trois parties visent d’autres objectifs : le test de représentativité dans un premier temps l’ordre social ensuite.

La représentativité
Mus par on ne sait quelle volonté de puissance et de pouvoir, les syndicats réformistes ont besoin de mesurer leur « force » électorale à un moment donné. La loi de 1979 instituant des élections générales prud’homales vint à point pour permettre à toutes les confédérations de jouer de façon interprofessionnelle au tiercé électoral.
Comme les animaux mâles des basses-cours, les syndicats font les beaux pour s’attirer les voix des électeurs. Ils sont prêts pour cela à raconter n’importe quoi, à toutes les compromissions possibles avec le patronat et le pouvoir. En 1979, tous prédirent que le nouveau système électoral et la généralisation des prud’hommes feraient de ce tribunal un idéal pour les travailleurs en difficulté justice rapide, défense ouvrière assurée. Près de 20 ans plus tard, où en est-on ? Les prud’hommes sont de plus en plus encombrés, et, depuis 1979, de nombreuses lois ont renforcé le pouvoir patronal : travail précaire, flexibilité … Et finalement, dans de nombreux quartiers, dans des entreprises, devant les ANPE. on n’a jamais autant vu de syndicats qu’à l’approche des élections prud’homales. où étaient donc ces organisations syndicales avec leurs énormes moyens de propagande quand il fallait appeler à la mobilisation contre le travail précaire et la flexibilité ??
En 1997, comme tous les cinq ans depuis 1979, les grands syndicats recommencent leur course imbécile à la représentativité.
Vraiment, quel événement si la C.G.T. perd trois points sur les élections précédentes ! Et quelle poussée ouvrière Si ces trois points vont à la CFDT ou à F0 !
L’Etat de son côté n’est pas mécontent de voir les syndicats s’entre-déchirer sur un thème aussi inoffensif. D’une part les élections lui permettent d’apprécierlerapport deforceausein des syndicats et de l’exploiter, d’autre part, elles révèlent aux travailleurs combien leurs organisations sont divisées et intégrées dans l’appareil capitaliste, et combien en définitive la classe ouvrière est faible.

L’ordre
Et la faiblesse de la classe ouvrière, c’est l’ordre. sinon assurée du moins présumée mu encore le désordre plus facilement réprimé.
D’ordre se nourrissent aussi les syndicats. Il leur faut tenir leurs troupes. Les élections, on le sait en poli tique, sont idéales : « En votant. vous exprimez votre choix » , « vous renforcez la démocratie », etc. Mais après le vote ? Rien ! Puisque le vote est justement fait pour que l’on ait rien à faire une fois terminé. Les spécialistes se chargent du reste.

Boycott
-  Parce que la classe ouvrière n’a rien à gagner à ce jeu stupide qui consiste pour les syndicats à compter leurs ouailles au lieu de s’unir contre le patronat
-  Parce qu’il faut rompre avec la collaboration de classes, les travailleurs n’ayant pas à rendre la justice de l’Etat, pas plus qu’ils n’ont à gérer l’entreprise du patron
-  Parce qu’il faut redonner au syndicalisme sa vigueur révolutionnaire et rompre avec le syndicalisme représentatif, bureaucratique, politique et étatique.

S’unir pour résister !
Après les municipales. les présidentielles et les législatives, nous avons les prud’homales avec les mêmes argumentations démagogiques, les mêmes promesses irréalistes et des acteurs différents mais tellement semblables aux premiers. La CNT-AIT n’aura ni électeurs ni élus, et n’en sera pas plus invitée par le premier ministre.
On nous interroge parfois sur nos modes d’action, à nous anarcho-syndicalistes. qui refusons de siéger aux tables que nous rêvons de renverser. Ce mode d’action que nous préconisons, c’est le syndicalisme, non pas l’appareil bureaucratique, intégré à l’appareil d’Etat, qu’il est devenu, mais ce qu’il signifie réellement : l’action collective et directe dans nos lieux de travail et nos quartiers pour obtenir de meilleures conditions de vie.
Pour nous, anarcho-syndicalistes de la CNT, les mouvements doivent être contrôlés par ceux et celles qui les font vivre, l’organisation des luttes doit être transparente et des règles collectives de fonctionnement doivent être définies. En clair, les mouvements de lutte doivent être auto-organisés et autogérés en dehors de tout contrôle politique et syndical. Cela porte un nom : la démocratie directe.

La démocratie directe consiste a mettre en place :
-  Des A.G. qui sont souveraines. C’est à dire que ce sont les assemblées générales qui détiennent le pouvoir politique, le pouvoir de décision. qui décident de la grève, des manifs, des actions à mener. des revendications, bref de la conduite générale de la lutte. Elles sont le lieu de la démocratie directe. Elles sont la propriété des individus en lutte et d’eux seuls.
-  Un comité de lutte (ou de grève, qu’importe le nom) chargé par les A.G. de mettre en oeuvre concrètement les décisions qu’elles ont prises. Ce comité a un rôle strictement exécutif. Il n’a pas à prendre de décisions autre que des décisions techniques. Seules les A.G. souveraines peuvent décider du sens et des formes de la lutte.
-  Des commissions de travail chargées de tâches pratiques telle que gestion de la trésorerie. relations avec les autres lieux en grève, organisation de l’aide aux grévistes victimes d’une éventuelle répression, ou toute autre activité jugée nécessaire par l’AG. L’ensemble des commissions constitue le comité de lutte. elles gèrent leurs tâches et se réunissent en son sein afin de se coordonner. Elles rendent régulièrement des comptes à l’Assemblée Générale souveraine. Les délégués qui constituent ces commissions sont élu(e)s, mandaté(e)s, contrôlé(e)s et révocables à tout moment par l’AG.
Nous pensons en outre que, dans la mesure du possible, la rotation des tâches doit être pratiquée au sein des commissions de façon à limiter 1’émergence de leaders incontrôlés et à favoriser la formation pratique d’un maximum de gens.
Précision sur le rôle des syndicats : dans ces circonstances, les syndicats n’ont évidemment pas à contrôler le mouvement. Toutefois, il est clair qu’ils peuvent faire des propositions à l’Assemblée Générale, y exposer leurs analyses et critiques, et y apporter leurs informations. Des syndiqués peuvent cependant faire partie à titre individuel des commissions qui constituent le comité de lutte.

Et action directe :
Nous considérons que la démocratie directe doit être la première des revendications dans les mouvements de lutte si nous voulons agir efficacement et en finir avec les magouilles. La démocratie nous nous la devons, c’est une question de respect envers nous-mêmes Bien sur tout cela ne peut fonctionner que si les gens participent, s’investissent et s’expriment bref font vivre la lutte. Penser et décider par soi-même implique d’agir soi même la démocratie directe implique donc l’action directe, c’est le fait de lutter par soi même sans intermédiaires (politiciens, députes bureaucrates syndicaux ) Ainsi participant de concert aux décisions, nous devons tous participer aux actions revendicatives et non se réfugier derrière quelque négociateur ou pseudo spécialiste des magouilles. Nous proposons d’en finir avec les manifs traîne savates qui viennent s’échouer devant une préfecture. et se dissouent dans l’attente d’une délégation auto-proclamée dont tout le monde sait (ou sent) qu’elle ne peut rien donner, et les grèves de 24 heures. Nous prônons donc des occupations, prolongées ou répétées, de lieux déterminés par l’Assemblée Générale : nos lieux de travail, les lieux de décisions, les hôtels des impôts, les chambres de commerce, les locaux de partis politiques.

Alors
Si démocratie et action directe ne sont pas des solutions miracles, elles garantissent néanmoins l’indépendance et l’autonomie de nos mouvements et restent les seuls moyens efficaces de lutte à notre disposition. C ’est pourquoi leur mise en place dès le début de la lutte est nécessaire, de façon à ce que nous puissions tous en faire l’apprentissage dans les meilleures conditions possibles.

Les promesses de quelques uns ne remplaceront jamais l’élan de tous Sans politiciens ni bureaucrates, réinventons nos luttes


La procédure devant les conseils prud’homaux


Si la CNT est pour le boycott des élections prud’homales et si elle déconseille, en général, de s’engager dans le processus judiciaire, elle ne désapprouve pas pour autant une utilisation tactique de l’institution. Il peut parfois être intéressant d’aller aux Prud’hommes, notamment lorsque l’affaire peut être facilement gagnée et qu’il n’est pas négligeable de faire payer le patron. En effet, l’attitude anarchiste consistant à dire « les lois on s’en fout, les tribunaux aussi. on s’impose par le rapport de force » est belle mais n’est pas toujours réalisable. Nous ne voyons aucune contradiction à appeler au boycott des élections prud’homales et à se défendre ou à défendre un collègue devant cette juridiction. De la même manière, s’il arrive à des Unions Locales de la CNT de défendre des manifestants incarcérés face aux tribunaux, cela ne justifierait en aucun cas d’élire (si la possibilité existait) les juges. Face aux Prud’hommes. le cénétiste est soit un salarié défendant ses droits, soit un syndicaliste soutenant un collègue, jamais un juge. Il n’est donc pas inutile de connaître les règles élémentaires de la procédure devant le conseil des Prud’hommes.

REGLES DE COMPETENCE
Le conseil des Prud’hommes concilie ou juge les litiges individuels nés à l’occasion du contrat de travail ou d’apprentissage entre les employeurs et leurs salariés ou entre les salariés.
Ainsi les litiges collectifs. tels la grève ou l’interprétation d’une convention collective échappent aux prud’hommes. Mais il est toujours possible d’y recourir en utilisant le subterfuge du procès-test : un salarié se fonde sur un contrat de travail pour soumettre au conseil des Prud’hommes un litige dont la solution intéresse tous les travailleurs.
Chaque conseil de prud’hommes est divisé en cinq sections autonomes encadrement, industrie, commerce et services commerciaux, agriculture, activités diverses. L’activité principale de l’entreprise détermine l’appartenance des salariés aux différentes sections, sauf pour la section de l’encadrement.
Les ouvriers et employés dont les employeurs n’exercent pas une activité industrielle, commerciale ou agricole, ainsi que les employés de maison. concierges et gardiens d’immeubles à usage d’habitation relèvent de la section des activités diverses.
Le conseil de Prud’hommes territorialement compétent pour connaître un litige est celui dans le ressort duquel est situé l’établissement où est effectué letravail.
Si le salarié travaille habituellement dans plusieurs établissements, le conseil des prud’hommes territorialement compétent est celui de l’établissement où se trouvait le salarié lorsque est né le litige.
Si le travail est effectué en dehors de tout établissement (V.R.P.. travailleur à domicile, artiste…), la demande est portée devant le conseil des prud’hommes du lieu où l’engagement a été contracté ou celui du lieu où l’employeur est établi.
A noter que l’article 47 du Code de procédure civile permet au salarié de saisir une juridiction située dans un ressort limitrophe lorsqu’un magistrat ou auxiliaire de justice est partie à un litige qui relève de la compétence d’une juridiction où celui-ci exerce ses fonctions. C’est le cas lorsque le salarié apprend que l’employeur avec qui il est en conflit siège au conseil des prud’hommes normalement compétent.

RECEVABILITE DE LA DEMANDE
Toutes les demandes relevant d’un même contrat de travail font l’objet d’un seul procès. De nouvelles demandes sont recevables à tous les stades de la procédure, y compris en appel.

ASSISTANCE ET REPRESENTATION DES PARTIES
Les parties doivent comparaître en personne. Elles ne peuvent se faire représenter que pour un motif légitime. En pratique, les patrons invoquent toujours leurs obligations professionnelles et les salariés ont besoin de certificats médicaux.
Les parties peuvent toujours se faire assister. Les personnes habilitées à représenter ou assister un travailleur sont :
-  Les salariés appartenant à la même branche d’activité ;
-  Les délégués (permanents ou non) des organisations syndicales ;
-  Le conjoint (mais non le concubin) du salarié ;
-  Un avocat régulièrement inscrit au barreau.

SAISINE DU CONSEIL
La demande peut être formulée soit sur place au secrétariat du conseil des prud’hommes, soit être adressée par lettre recommandée à ce même secrétariat.
Le demandeur est avisé verbalement ou par simple lettre des lieux, jour et heure de la conciliation. Le défendeur (celui qui est attaqué par le demandeur) l’est par lettre recommandée avec accusé de réception. Il faut se munir de toutes les pièces utiles. c’est-à-dire par exemple :
-  Les 3 derniers bulletins de salaire ;
-  Les correspondances échangées entre le salarié et l’employeur lors de la rupture du contrat dc travail. et notamment la lettre de licenciement ;
-  La lettre d’embauche, le contrat et le certificat de travail
-  Les photocopies de toutes les pièces dont l’adversaire nie avoir eu connaissance afin de les lui communiquer ;
-  Si possible un bref exposé écrit relatant les faits et les situant dans le contexte général de la relation de travail.

TENTATIVE DE CONCILIATION
Toute affaire prud’homale est obligatoirement précédée d’une phase de conciliation.
Le bureau de conciliation, composé au moins d’un conseiller-patron et d’un conseiller-salarié, concilie les parties et dresse un procès-verbal qui mentionne l’accord intervenu, ou renvoie l’affaire soit directement devant le bureau de jugement. soit devant un juge rapporteur qui l’instruira.
Si le demandeur ne comparaît pas sans motif légitime, l’affaire est radiée et ne peut être reprise qu’une fois. L’absence du défendeur, par contre, n’empêche pas le bureau de conciliation de renvoyer l’affaire en jugement
Lors de la comparution. le demandeur peut expliquer et même augmenter sa demande. Si un accord de conciliation, total ou partiel. est trouvé. il est exécutoire immédiatement et a autorité de la chose jugée.
Les mesures suivantes peuvent être ordounées par le bureau de conciliation :
-  délivrance sous peine d’astreinte de certificats de travail. de bulletins de paie et de toute autre pièce que l’employeur est tenu légalement de remettre au salarié telle l’attestation destinée aux ASSEDIC,
-  versement des provisions sur salaires, commissions, indemnités de congés payés, indemnités de rupture (le montant total des provisions allouées ne peut excéder six mois de salaires calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire) ;
-  mesures d’instructions, mesures nécessaires à la conservation des preuves ou des objets litigieux et liquidation provisoire des astreintes ordonnées.

LE JUGEMENT
La convocation se fait par simple lettre. Le tribunal est composé d’au moins deux juges-patrons et deux juges-ouvriers. La présidence est alternative.
Les parties peuvent encore se concilier, même partiellement devant le bureau de jugement.
A défaut, le jugement intervient. Si une majorité ne peut se former entre les juges-patrons et salariés, le juge d’instance du ressort du prud’homme les départage.
Le jugement sera notifié par le secrétariat du conseil des prud’hommes, c’est-à-dire qu’il fera courir des délais de recours ou sera exécutoire s’il n’est pas susceptible d’appel. Entre le jour du procès et la notification, le délai peut être très long, jusqu’à plusieurs mois.

VOIE DE RECOURS
L’opposition tend à faire rétracter un jugement rendu par défaut. c’est-à-dire s’il a été rendu en dernier ressort et que la citation à comparaître n’a pas été délivrée. Elle n’est ouverte qu’au défendeur qui n’a pas comparu et demande donc la révision du jugement. Elle doit être formulée dans le délai d’un mois à compter de la notification du jugement par défaut.
L’appel n’est recevable que Si la demande excède 20 500 francs (ce qui est très fréquent). L’appel doit être formulé dans le délai d’un mois à compter de la notification du jugement (15 jours s’il s’agit d’un jugement en référé) par simple déclaration ou par lettre recommandée au secrétariat du conseil des prud’hommes. Il suspend l’exécution du jugement, sauf si le conseil a ordonné l’exécution provisoire.
L’appel est porté devant la chambre sociale de la cour d’appel qui est composée uniquement de juges professionnels. On comprend pourquoi le paritarisme est une blague.
Le pourvoi en cassation. ne peut être introduit que pour violation de la loi, excès de pouvoir, incompétence, manque de base légale. vice de forme ou contrariété de motifs. Il n’est ouvert que pour les jugements rendus en dernier ressort par le conseil des prud’hommes ou par la cour d’appel. Cette procédure est onéreuse.
Le pourvoi en cassation est porté devant la chambre sociale de la cour de cassation. Elle peut le rejeter et l’affaire est terminée, ou casser l’arrêt. Dans ce dernier cas, une deuxième cour d’appel rejuge. Si elle se prononce comme la première cour d’appel, un nouveau pourvoi est possible devant l’assemblée plénière de la cour de cassation. Si le pourvoi est rejeté (l’assemblée donne raison à la cour d’appel), l’affaire est terminée. Si le deuxième arrêt d’appel est cassé (l’assemblée plénière juge la chambre sociale), l’affaire est renvoyée devant une troisième cour d’appel qui doit s’incliner dans le sens de la cour de cassation.

LE REFERE PRUD’HOMAL
Il ne faut pas confondre le référé prud’homal avec le référé du Tribunal de Grande Instance qui reste pour l’instant le plus important.
Il y a référé dans chaque prud’homme. Il permet une solution rapide, mais provisoire. de certaines questions. Il peut ordonner toutes les mesures que justifie l’existence d’un conflit et qui ne se heurte pas à une contestation sérieuse sur le fond. Il peut notamment prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent pour prévenir ou faire cesser un dommage. Il peut également, le cas échéant, accorder une provision au créancier.
La demande en référé est formée au choix du demandeur, soit par acte d’huissier de justice assignant le défendeur à comparaître à la prochaine audience de référé, soit dans les conditions de saisine normale du conseil de prud’hommes.

LA PROCEDURE D’URGENCE
En cas de litige portant sur les licenciements ou ruptures pour motif économique, une procédure d’urgence peut être demandée. L’employeur doit alors, dans les huit jours suivant la date à laquelle il reçoit la convocation devant le bureau de conciliation, donner les éléments qu’il a fourni aux représentants du personnel ou, à défaut, à l’administration. La convocation adressée à l’employeur lui rappelle cette obligation. L’employeur doit alors déposer ces documents au greffe ou lui faire parvenir par lettre recommandée avec accuse de réception. Le salarié est alors averti par simple lettre ou verbalement (lors de la présentation de la demande) par le greffe qu’il peut prendre connaissance ou copier les documents communiqués.
Dans le cas de la procédure d’urgence, la séance de conciliation doit avoir lieu dans le mois qui suit la saisine du conseil des prud’hommes. Le bureau de conciliation doit ordonner la jonction des demandes de procédures contestant le motif économique d’un licenciement collectif, il détermine les mesures et délais nécessaires à l’instruction de l’affaire ou à l’information du conseil, après avoir provoqué l’avis des parties. Il fixe le délai de communication des pièces ou des notes que celles-ci comptent produire à l’appui de leurs prétentions. Les mesures d’instruction et d’information doivent être exécutées dans un délai ne dépassant pas les trois mois. Ce délai peut toutefois être prolongé par le bureau de jugement sur la demande notifiée du technicien ou du conseiller-rapporteur. Enfin, le bureau de conciliation fixe la date d’audience du bureau de jugement, et ce dans un délai ne pouvant excéder six mois à compter de la date à laquelle lui a été renvoyée.

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