Le 15 juillet au soir, des guérilleros de l’AGE (Agrupación de guerrilleros españoles), dépendant de l’UNE (Unión nacional española) ont massacré sept personnes dans une ferme du hameau de la Casace. Une famille d’anarchistes espagnols fêtait la naissance, la semaine précédente, d’une petite fille. Des amis étaient présents. Les guérilleros, sans doute venus du maquis proche de La Crouzette, reprochaient à Ricardo Roy Escribano de refuser d’intégrer les rangs de l’UNE et ceux de son bras armé, l’AGE (Agrupación de guerrilleros españoles)
Un massacre occulté :
Le massacre de La Casace [orthographe adoptée par l’IGN, « Massat, pic des tTois seigneurs, PNR des Pyrénées ariégeoises », carte TOP 25 2047 ET, 2018 ; écrit aussi Lacazace, La Casasse, Lacasasse, Lacasace], un hameau située à environ 2 km au sud du village de Castelnau-Durban, aurait dû frapper les mémoires. Une des maisons de La Casace fut le théâtre d’une tragédie : cette tuerie spectaculaire qui décima en premier lieu la famille Roy, quatre des sept victimes dont deux fillettes, l’une d’entre elles âgée d’à peine une semaine, a été occultée. Pourtant, connue au-delà des limites communales de Castelnau-Durban dès l’automne 1944, elle fut bientôt oubliée, surpassée dans la mémoire locale par le drame de la destruction de Rimont, village proche de Castelnau-Durban le 21 août 1944, et le combat décisif livré par la Résistance contre le Marschgruppe allemand composé en majorité de supplétifs turkestanais, qui pendant son repli avait semé la terreur à Saint-Girons. Neuf maquisards et deux civils furent alors tués lors de l’affrontement contre les troupes d’occupation. Toutefois, la tuerie de la Casace demeura présente dans la mémoire de républicains espagnols, anarchistes, socialistes ou autres, qui, en 1944-1945 s’étaient opposés à la tentative du Parti communiste d’Espagne (PCE) de revendiquer l’hégémonie politique et d’imposer leurs organisations « de masse », Unión nacional española et Agrupación de guerrilleros españoles comme étant les représentants exclusifs des Espagnols ayant participé à la Résistance en France. Mais, localement, la mémoire valorisa la « geste » des maquisards de l’AGE et des FTPF de la Crouzette, et cette « bavure » criminelle s’ajoutant à d’autres, on a tout fait pour l’oublier et en faire disparaître les traces.
En effet, ce tragique événement n’avait pas échappé aux républicains espagnols opposés à l’action du PCE et de ses organisations satellites dans la France de 1944. Dans un document de la Junta española de Liberación (JEL, fondée le 25 novembre 1943 par la plupart des forces politiques républicaines — mais non les forces syndicales — qui contestaient la volonté d’hégémonie du PCE à travers l’UNE) adressée le 4 novembre 1944 aux autorités françaises, le massacre de la Cazace était dénoncé et décrit dans ses grandes lignes. Le texte rapporté par José Borras (op. cit., p. 21) en donnait les raisons : « D’après ses [Ricardo Roy Escribano] déclarations, on lui avait enjoint à plusieurs reprises l’ordre de rejoindre la UNE, comme il a refusé, on l’a menacé de mort et les hommes de la UNE ont perpétré le crime que nous dénonçons ». Le Mouvement libertaire espagnol (MLE) adressa aussi une lettre au PCE dans laquelle il était évoqué.
Des historiens ont, par la suite, évoqué le massacre de La Casasse dans plusieurs ouvrages (cités dans les sources de cette notice) : José Borras, 1976 ; David Wingeate Pike, 1984 [Paris] ; Esteve Ballester, Martine Boury, Marcel Gélis, Marcel Langand, Henri Melich, Edward Sarboni, Carolina Benito, Amapola Gracia, Dominique Grein, 1984 [Perpignan] ; Marie-Christine Dargein, 1989 (dans un remarquable travail pionnier, elle a bien vu, la première, parmi les historiens, comment s’est établi le processus d’occultation des affrontements entre résistants espagnols en Ariège, la répression menée par l’UNE et l’AGE contre les anarchistes) ; Marie-Claude Raffaneau-Boj, 1993 ; Geneviève Dreyfus-Armand, 1999 ; José Cubero, 2005 ; D. Bueno, 1999 ; ouvrage collectif, 2012. Le travail collectif publié à Perpignan en 1984, livre des témoignages décisifs, ceux de José Arisó (18 octobre 1910, Albalate de Cinca, province de Huesca, Aragon, Espagne ; 15 décembre 1998, Villefranche-de-Lauragais, Haute-Garonne) et de Francisco Subirats, d’une part ; celui d’Umberto Marzocchi, d’autre part. En 2020, enfin, Ángel Carballeira a rouvert le dossier et a effectué une minutieuse enquête complémentaire qui permet de mieux connaître certains détails du drame de La Casace. Claude Delpla n’en parle pas dans son ouvrage posthume (op. cit., 2019), mais il l’avait évoqué implicitement — et minimisé — en 2006 (op. cit., p. 163) : « Un d’entre eux [parmi les libertaires espagnols du Couserans] refuse d’aller au maquis [de l’AGE, localisé à la Crouzette] malgré plusieurs sommations. La sanction est terrible. Il est exécuté (15 juillet 1944) ». Remarquons au passage que le libertaire évoqué par Delpla, Ricardo Roy, a échappé à l’exécution qui le visait et que les victimes innocentes de la tuerie sont ignorées.
Un autre historien ariégeois, Jean-Jacques Pétris a mentionné le massacre de la Casace dans ses notes mises en ordre et tapuscrites déposées aux archives départementales à Foix. Il a bien identifié et cerné Ricardo Roy Escribano présenté comme anarchiste. Il a indiqué que le nombre de victimes était bien au nombre de sept parmi les quelles il a identifié sa femme, ses deux filles de six ans et huit jours, un ami et, à tort, son beau-père qui ne se trouvait pas dans la maison. Il fait erreur aussi sur la date : pour lui le massacre a eu lieu le 13 juillet 1944. À notre connaissance, il n’a pas fait part du massacre dans ses publications imprimées ou électroniques ou, du moins, dans celles que nous avons consultées.
Le contexte :
De l’été 1944, avant même la Libération, jusqu’à la première moitié de 1945, les divergences de vue entre les deux tendances des « républicains espagnols » réfugiés en France, les communistes et tous les autres, débouchèrent sur des « liquidations » physiques. Elles sont bien documentées dans plusieurs départements : Ariège, Aude, Pyrénées-Orientales, Haute-Garonne, Aveyron, Lot, Corrèze. Elles furent le fait de communistes, porte-paroles de l’UNE, qui s’en prirent à des militants qui refusaient de rallier les maquis de l’AGE. Il faut savoir, par ailleurs, que, hormis des militants qui rallièrent l’UNE et/ou l’AGE à titre purement individuel, les socialistes du PSOE, les anarchistes, les militants du POUM, les nationalistes catalans participèrent en général à la Résistance dans le cadre des mouvements français non communistes : Mouvements unis de la Résistance (MUR) et leur organisation militaire, l’Armée secrète (AS) ; réseaux français ou contrôlés par les puissances alliées (Cf. par exemple Ponzán Francisco).
En ce qui concerne le contexte local, on sait que les meurtres de la Casace furent commis par des membres de l’UNE, dans la soirée du 15 juillet 1944. Or, les membres actifs de l’UNE les plus proches du hameau se trouvaient à quelques kilomètres dans le maquis de la Crouzette, dans commune voisine de Castelnau-Durban, Esplas-de-Sérou . Ce maquis rassemblait deux formations militaires distinctes, de l’AGE et des FTPF (Francs-tireurs et partisans français). Le 15 juillet 1944, au moment même où se déroulait le drame de la Casace, des maquisards descendirent de leur nid d’aigle et vinrent enlever des collaborationnistes, ou supposés tels, pour les traduire devant un « tribunal du peuple » autoproclamé. Une terrible méprise coûta la vie à un innocent, Joseph Pédoya, abattu par un des maquisards qui avait pénétré chez lui. Si nous n’avons pas la preuve que les membres de la UNE qui entrèrent au domicile du militant libertaire Ricardo Roy Escribano à la Casace, venaient du maquis de la Crouzette, il y a néanmoins de très fortes probabilités — une quasi certitude — que ce fut le cas. La coïncidence de date (15 juillet, nuitamment) est pour le moins troublante. Rappelons que les maquisards de la Crouzette vinrent, au même moment, « visiter » d’autres maisons de Castelnau-Durban. Les affiliés de l’UNE/AGE étaient selon toute vraisemblance venus chercher Ricardo Roy pour l’amener au col de Rille où siégeait le « tribunal du peuple » des maquis de la Crouzette, comme d’autres guerrilleros et/ou maquisards FTPF étaient en train de faire dans d’autres maisons de Castelnau-Durban, Montseron ou Rimont. Constatant son absence, ils auraient décidé d’exercer des représailles sur les présents, ne tenant même pas compte de leur âge et considérant comme certaine l’adhésion des adultes des deux sexes à des engagements qui étaient aussi ceux de Ricardo Roy.
Plus tard, Àngel Carballeira (op. cit., 2020) a par la suite pu interroger une villageoise de Castelnau-Durban, témoin direct, qui confirma les récits déjà publiés et apporta des précisions complémentaires. Son enquête a été complétée par des recherches d’archives, municipales à Castelnau-Durban, départementales à Foix et à Manresa (Catalogne, Espagne).
Les circonstances du massacre :
Le libertaire José Arisó (1910-1998) était un ami de Ricardo Roy. Il habitait à Mirepoix (Ariège) à une quarantaine de kilomètres à l’est de Castelnau-Durban, et fut la première personne à qui Ricardo Roy, l’un des deux rescapés du massacre, raconta ce qui s’était passé. Quarante ans plus tard, il livra son témoignage (Op. cit., 2004, Perpignan). Le libertaire italien, Umberto Marzocchi livra aussi un témoignage (Op. cit., Perpignan, 1984) où il évoqua la tuerie de la Casace. Ancien volontaire « international » en Espagne républicaine, et après avoir intégré peu de temps le maquis des FTPF cantonné au col de la Crouzette, au-dessus de Castelnau-Durban, il fit partie, avec d’autres anarchistes du maquis « Bidon 5 » de l’Armée secrète, fondé par des résistants socialistes ou proches de ce parti issus pour beaucoup d’entre eux de l’industrie pétrolière du Comminges.
Cette unité de l’AS, centrée sur le village pyrénéen du Comminges, Arbas (Haute-Garonne), avait une implantation dans des villages du Couserans, proches de la limite avec la Haute-Garonne plus particulièrement Cazavet (Ariège). Elle accueillit des anarchistes espagnols (mais également un Italien comme Marzocchi) souvent domiciliés dans le Couserans — ils appartenaient au groupe de Saint-Girons de la CNT clandestine en France — qui refusaient d’intégrer l’AGE. Ils formaient au sein de ce maquis une « unité particulière » se réclamant, après la Libération de l’Ariège et de la Haute-Garonne de l’Alliance démocratique espagnole (ADE) fondée le 9 septembre 1944 et regroupant toutes les tendances républicaines de l’exil espagnol, à l’exception des seuls communistes (la JEL prit ensuite le relais de l’ADE). Cette « unité » du maquis Bidon 5 de l’AS était commandée par Eduardo Vizcaya, alias « Del Rio », né en 1910.
Les Espagnols affiliés à la UNE entrèrent armés au domicile de Ricardo Roy, en contact, comme ses amis, avec la Résistance. Ils furent surpris lorsqu’ils se rendirent compte qu’une fête familiale y était organisée afin de célébrer la naissance, le 8 juillet 1944, d’Isabelle fille de Ricardo Roy et de son épouse Palmira Tomàs. Neuf personnes, membres de la famille et amis, étaient présentes. Les membres de l’UNE discutèrent et furent finalement invités à participer aux agapes. Ils demandèrent à leurs hôtes s’ils disposaient d’armes et s’ils savaient les utiliser. Ils sortirent alors les leurs et les manipulèrent. Vers 22 heures 30, l’un d’entre eux éteignit la lumière et les maquisards tirèrent. Les victimes de la tuerie n’étaient pas identifiées dans les témoignages de 1944 et de 1984 utilisés entre temps par quelques historiens. La maison où furent perpétrés ces meurtres fut ensuite brûlée. Au Service historique de la Défense à Vincennes, Ángel Carballeira (op. cit., 2020, p. 31) a retrouvé, à la date du 18 juillet 1944, dans les registres de la brigade de gendarmerie de Saint-Girons (cote 9 E 179, rubrique « Incendies », p. 378, photographie du document dans l’article cité) la note suivante : « Dans la nuit du 15 au 16-7-44 incendie de la ferme de Cazace commune de Castelnau-Durban par des terroristes avec cinq espagnols à l’intérieur qui ont péri (rapport n° 58/4 du 18-7-44) ». Il n’est pas dit que, au préalable, que ces personnes (cinq au lieu des six ou sept finalement comptabilisées) avaient été criblées de balles. Dans le jugement du tribunal civil de première instance de Foix rendu le 9 septembre 1954, analysé en détail plus bas, il est dit que l’enquête a permis de savoir que l’incendie de la Casace avait fait sept victimes. Mais les sept victimes périrent très vraisemblablement par balles. Le feu n’a sans doute été mis par les assassins que pour tenter de faire disparaître les traces de leur crime.
Le bilan :
Remarquons, en premier lieu, que José Arisó, ami proche de Ricardo Roy, a indiqué qu’il y avait eu huit victimes, six adultes et deux enfants. L’enquête d’Ángel Carballeira (op. cit., 2020) permet de dresser, en produisant des arguments probants, le bilan macabre de ce massacre. Il a établi à sept (six, selon lui dans le cas où l’on considère que « Garcia » et « Gracia » auraient pu être une seule et même personne) le nombre probable de victimes de la tuerie. Mais, finalement, nous avons eu la preuve (voir ci-dessous) qu’il y a eu sept victimes, ce qui permet de conclure que Garcia et Garcia était selon toute vraisemblance deux personnes différentes. Deux personnes purent échapper au massacre.
Cinq d’entre elles étaient connues avant le travail de recherches d’Ángel Carballeira : Isabelle Roy, née à La Casace, commune de Castelnau-Durban, le 8 juillet 1944. Son acte de naissance figure dans le registre de l’état civil de la commune ; Prosperitat Roy i Tomàs née à Manresa (province de Barcelone) le 8 octobre 1937. L’acte de naissance rédigé en catalan figure dans l’état civil de cette ville ; Palmira Tomàs i Pérez (orthographe catalane du patronyme consignée dans son acte de mariage, état civil de Manresa), née à Súria, localité industrielle au nord de Manresa, le 17 avril 1916, mariée avec Ricardo Roy Escribano le 11 octobre 1937 ; Garcia, ami de la famille, père de deux filles, Carmen et Anita, habitait Castelnau-Durban au moins depuis1943 ; Evaristo Soler Crivellé, né le 18 octobre 1887 à la Torre de l’Espanyol (province de Tarragone), village de la rive gauche de l’Èbre, demeurant en 1944 à La Bastide de-Sérou (Ariège), entre Castelnau-Durban et Foix. Il n’y a pas d’acte de décès le concernant. Le tribunal civil de Foix, dans un jugement du 9 septembre 1954, indiqua que sa disparition « causée pour faits de guerre » a bien été le résultat de sa mort au cours de l’incendie la maison Estaque à la Casace, commune de Castelnau-Durban. Pour des raisons qui nous échappent ce jugement ayant valeur d’acte de décès fut transcrit non pas sur l’état civil de Castelnau-Durban sur le registre l’état civil de sa commune de résidence, La Bastide-de-Sérou.
On peut s’interroger sur l’attitude des magistrats de Foix qui en ordonnant la transcription du décès sur l’état civil d’une commune où il est avéré qu’il n’a pas eu lieu, n’ont pas appliqué strictement la loi. Par ailleurs, comme, dix ans après le crime n’était pas prescrit, n’auraient-ils pas dû ordonner une enquête ? D’autant plus que l’arrêt rendu reconnaissait l’existence de six autres victimes. En rendant ce jugement, on peut penser qu’ils ont subi la pression de groupes politiques influents présents en Ariège. Ou, du moins, qu’ils n’ont pas voulu les mécontenter. D’où ce jugement en demi-teinte qui, cependant, établissait de façon définitive la réalité du massacre du 15 juillet 1944 à la Casace.
Deux autres victimes non consignées dans les récits antérieurs à l’enquête d’Àngel Carballeira : Rosario Pérez Rodríguez, mère de Palmira Tomàs, née à Monforte de Lemos (province de Lugo, Galice, Espagne) ; Gracia dont le nom figure dans le document de la JEL faisant état du massacre de la Casace. Mais peut-être se confond-il avec le « Garcia » de la liste précédente ? Une métathèse est toujours possible lors d’une transcription.
Deux personnes ont réussi à échapper à la tuerie : Ricardo Roy Escribano, le seul visé par une « liquidation » physique par les guérilleros de l’AGE, né le 9 février 1902 à Borobia (province de de Soria, Espagne), un des habitants de la maison de la Casace, lieu de la tuerie. Il était absent lorsque les hommes de l’UNE tuèrent les occupants de sa maison. Étant donné la longueur des journées de l’été, peut-être n’était-il pas encore revenu du travail et découvrit-il avec horreur le drame à son retour en observant la bâtisse en train de brûler ? Peut-être, aussi, avait-il été mis au courant des menaces qui pesaient sur lui et s’était-il abstenu, un samedi soir, lendemain d’un 14 juillet, de participer à une fête familiale et amicale qui, à n’en point douter, lui tenait à coeur ? ; Lourtadon, un ami, sans doute de nationalité française, bien connu du témoin interrogé par Ángel Carballeira. Ayant échappé au mitraillage, il réussit à s’échapper par fenêtre qui était ouverte et à se réfugier dans une maison voisine.
On ne sait ce qui devinrent ces deux hommes qui fuirent Castelnau-Durban, traumatisés par le massacre et peu désireux de réapparaître à Castelnau-Durban où ils auraient peut-être été à leur tour « liquidés ». Comme on l’a vu, Roy alla à Mirepoix chez Arisó, mais qu’advint-il de lui par la suite ?
Sépultures et état civil :
Les victimes de la tuerie de la Casace, d’après les divers témoignages furent inhumées dans le cimetière communal. Mais leurs tombes ont disparu. Furent-ils enterrés dans la fosse commune ? D’ailleurs, l’état civil de Castelnau-Durban n’a pas enregistré les décès des victimes. Seul, celui d’Evaristo Soler le fut, dix ans plus tard, à La Bastide-de-Sérou à la date du 15 juillet 1944. Pourquoi le maire de Castelnau-Durban n’a-t-il pas fait transcrire les décès des victimes sur l’état civil communal, alors même que les gendarmes de Saint-Girons avaient signalé au moins cinq victimes dans l’incendie de la maison de La Casace ? Craignait-il quelques représailles ? Le jugement du tribunal civil de première instance de Foix (Ariège) rendu le 9 septembre 1954 est une preuve supplémentaire — décisive — de la tuerie de la Casace du 15 juillet 1944, même si elle n’évoque que des décès provoqués par le feu, ignorant la mort préalable par fusillade. Dans ce jugement, il est bien dit que l’incendie a été provoqué « par un autre groupe d’Espagnols » et qu’il avait fait sept victimes. Ordonné à la demande du ministre des Anciens combattants de des victimes de guerre, il ne concerna, plus de dix ans après le drame, que le seul Evaristo Soler Crivellé. Pourquoi les autres victimes ne figurent-elles pas sur un registre d’état civil, tout comme Soler ?
Tout semble, en effet, avoir été fait afin de cacher et de faire oublier un horrible massacre. Nous savons par Claude Delpla (op. cit., 2006, p. 163) que les guérilleros de l’AGE considéraient que des « groupes armés indépendants se présentant comme libertaires » (…), « des vrais ou faux anarchistes [terrorisaient] les paysans ». Il fait sienne l’idée colportée par l’UNE que « ces maquis « noirs » justifient la propagande vichyssoise et allemande répétant que les maquisards [de l’AGE, des FTPF] sont des « bandits rouges », des « terroristes » qui « attaquent les fermes, pillent, volent au nom de la Résistance ». Et, évoquant le maquis espagnol de la Crouzette, il écrit que si les libertaires « refusent de se battre [avec l’AGE] et continuent de dévaliser les paysans, le maquis « noir » [anarchiste] sera détruit comme un groupe ennemi » pour préciser qu’un « réfractaire » — peut-être parle-t-il de Ricardo Roy qui finalement ne fut pas exécuté parce qu’absent de son domicile ? — a été exécuté par des membres de ce maquis le 15 juillet 1944. Pourtant, les libertaires espagnols qui participaient à Résistance n’avaient rien à voir avec des délinquants qui se faisaient passer pour des maquisards afin de rançonner les populations civiles. Refusant, pour la grande majorité d’entre eux, d’intégrer les rangs de l’UNE/AGE, ils participaient aux réseaux des services français ou alliés ou participaient aux activités de mouvements de la Résistance française et des maquis de l’AS : ainsi les anarchistes du Couserans étaient-ils devenus pour nombre d’entre eux des combattants de l’AS (maquis Bidon 5 d’Arbas, Haute-Garonne, et Cazavet (Ariège).
D’après un article du Dictionnaire Maitron
https://maitron.fr/spip.php?article237840
Sur le même thème :
https://cnt-ait.info/category/memoire/resistance/anars-espagnols-resistance
Pour en savoir plus sur la participations des anarchistes espagnols à la Résistance en France, deux brochures de la série « Anarchistes, pas républicains … des anarchistes espagnols en Résistance » :
Tome 1 : Des camps républicains du mépris aux maquis de la Liberté…
Tome 2 : QUAND DES MIGRANTS ET DES PARIAS TENAIENT LE MAQUIS DANS LE CANTAL
https://cnt-ait.info/2021/01/10/migrants-parias-maquis/
A télécharger en cliquant sur les liens indiqués ci-dessus ou à commander au format papier (8 euros les 2 brochures) en écrivant à CNT-AIT, 7 rue St Rémésy 31000 TOULOUSE
2 commentaires sur 15 juillet 1944 : des guerrileros communistes espagnols assassinent une famille de réfugiés espagnols parce que résistants anarchistes