Le week-end du 18 et 19 mars 2023 était organisé à Paris une série d’évènements culturels (projections de film au Musée du Quai Branly, spectacle à la Philarmonie de Paris, visite pour les enfants du Musée de la Musique) destiné à promouvoir la culture d’Indonésie.
Quelques amis des agriculteurs en lutte et des anarchosyndicalistes d’Indonésie ont distribué le texte ci-dessous pour informer les spectateurs de l’envers du décor …
INDONESIE, L’ENVERS DU DECOR
L’Indonésie, ses paysages paradisiaques, ses batiks colorés, ses forêts primaires et ses orangs outans, ses gamelans et ses spectacles de marionnettes d’ombres … mais derrière ces clichés de carte postale il y à l’envers du décor, la réalité de l’Indonésie contemporaine
UNE NATURE SACCAGEE AU PROFIT DE L’AGROBUSINESS ET DE L’INDUSTRIE MINIERE
Protéger notre nature des menaces de l’industrie minière. La solidarité des agriculteurs rejette l’exploitation minière
En Indonésie, 68% des ressources foncières existantes sont contrôlées par seulement 1% de la population la plus riche. Pour aggraver la situation, près de 15 millions de personnes dans les zones rurales et 12 millions dans les zones urbaines vivent dans une extrême pauvreté.
La politique agricole de l’Indonésie n’est pas fondée sur le principe de la souveraineté alimentaire mais sur celle de l’agrobusiness à destination du marché mondial. En quelques décennies, plus de cinq millions d’hectares de forêts primaires ont été convertis c’est à dire rasés pour laisser place à des plantations industrielles de palmiers à huile. La conversion d’une forêt primaire en plantation mono spécifique de palmiers à huile est sans conteste un désastre écologique. Après le passage des bulldozers et du feu, il ne reste plus grand-chose de la biodiversité floristique et faunistique, ni des habitats des innombrables espèces vivant dans la forêt. Orangs outans, gibbons, tigres et éléphants font habituellement les manchettes de la presse, mais les dégâts ne se limitent pas à ces quelques espèces emblématiques.[1]
Les petits agriculteurs doivent faire face également à l’appétit vorace des entreprises minières qui les exproprient pour s’accaparer les richesses du sous-sol, dans des conditions néfastes pour l’environnement et toxiques pour la santé des habitants. L’Indonésie détient la plus grande réserve au monde de nickel, un minerai essentiel à la fabrication des batteries de voiture électrique, ce qui aiguise encore plus es appétits des entreprises minières ! En 2022, Le pays a extrait plus de 1,4 million de tonnes de nickel. La société minière brésilienne Vale a prédit un bond de 44 % de la demande de nickel d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 2022, en raison de la forte demande de batteries destinées aux véhicules électriques (une batterie contient 40 kg de nickel). Un projet visant à produire un nickel de qualité batterie devrait voir le jour avec le groupe français Eramet. Mais tout ceci ne sera pas sans un cout écologique désastreux : le processus de fabrication du nickel adapté aux batteries des voitures électriques une empreinte carbone élevée d’autant plus qu’en Indonésie l’électricité nécessaire à sa production est produite en brulant du charbon ! Enfin les déchets de métaux lourds du processus d’extraction et de raffinage risquent d’être déversés dans l’océan et produire des dommages irrémédiables.
UNE MONTEE DE L’INTOLERANCE RELIGEUSE ET DU FONDAMENTALISME
Cette transformation économique du pays suscite d’intenses tensions dans le pays. Pour essayer de canaliser le mécontentement social, le Pouvoir peut s’appuyer sur le développement des structures d’encadrement religieux du pays, qui ne demandent qu’à prendre en main la population. Alors que l’Indonésie, pays à majorité musulmane le plus peuplé du monde, était réputé pour sa tolérance religieuse, la laïcité étant même inscrite dans la loi, on assiste à une véritable montée du fondamentalisme, avec le soutien du gouvernement. Au nom soit disant de la lutte contre le colonialisme, le ministre de la justice, Yasonna Laoly a promulgué en décembre 2022 une loi interdisant entre autre la cohabitation des couples non mariés. Les homosexuels sont aussi particulièrement ciblés par le Pouvoir.
UNE REPRESSION CONTRE LES TRAVAILLEURS ET LES SYNDICALISTES
Si le fondamentalisme sert à encadrer et contrôler les esprits, le Pouvoir indonésien cherche aussi à encadrer et contrôler les travailleurs qui seraient tentés de protester contre leurs conditions de vie de misère.
Dans son rêve mégalomaniaque de transformer l’Indonésie en usine à batterie électrique du monde, le Président Joko Widodo a promulgué une série de loi (loi Omnibus en 2020 puis règlement d’urgence sur la création d’emplois après que la Loi Omnibus ait été déclarée non constitutionnelle) afin de précariser au maximum les travailleurs en leur retirant tous leurs maigres droits et d’attirer les investisseurs étrangers en recherche de taux de profits maximum.
Pour monter aux syndicats indonésiens qu’il ne lésinerait pas pour réprimer tous ceux qui oseraient se dresser contre sa volonté de toute puissante, le Pouvoir a lancé en 2019 une chasse aux sorcières contre le petit groupe des anarchosyndicalistes indonésiens du PPAS[2], manière de faire passer le message aux grands syndicats qui l’ont parfaitement compris puisqu’ils relaient la propagande d’intimidation du pouvoir[3]. Aujourd’hui, les compagnons anarchistes d’Indonésie sont obligés d’agir dans une semi-clandestinité alors qu’ils ne font qu’essayer de défendre les droits basiques des travailleuses et des travailleurs !
Des amis des anarchosyndicalistes et des agriculteurs en lutte d’Indonésie
Plus d’information :
A Brief History of Anarchism in Indonesia
https://cnt-ait.info/2022/12/22/history-anarchism-indonesia/
[1] Habiter la forêt tropicale au XXIe siècle | Geneviève Michon, Stéphanie Carrière, Bernard Moizo ; https://books.openedition.org/irdeditions/32228?lang=fr
[2] Persaudaraan pekerja anarko syndicalis, Asosiasi Pekerja Internasional « fraternité des travailleurs anarcho-syndicalistes, section en Indonésie de l’AIT, Association Internationale des Travailleurs »
[3] https://cnt-ait.info/2019/05/01/la-presse-indonesienne-cible-les-anarchosyndicalistes-et-lait-suite-aux-emeutes-du-1er-mai-a-bandung/
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