La « Conquête du Pain » est une boulangerie coopérative de Montreuil, en région parisienne. Créée en 2010 entre autre par des militants libertaires, son nom est une référence explicite au livre de Pierre Kropotkine, La Conquête du pain.
Selon la page Wikipedia, la coopérative emploie neuf salariés, plus deux apprentis. Le salaire horaire est le même pour tous (hors apprentis), de même que la répartition des bénéfices : « On fonctionne à l’égalité forfaitaire ce qui revient à une paye mensuelle de 1 500 € qu’on a dû baisser à 1 350 € par mois pour pouvoir embaucher une personne pour la livraison. Cela dit, on n’a pas les mêmes charges, ni forcément les mêmes horaires. Pour la production, certains viennent bosser à 3 h 30, d’autres à 8 h, d’autres viennent bosser le dimanche ». Les boulangers se réclament du communisme libertaire : « Communisme parce que nous voulons « mettre en commun », partager. Libertaire parce que nous refusons l’idéologie autoritaire et pensons que l’égalité sans la liberté n’est rien ».
La Conquête du pain est une sorte de « vitrine médiatique » pour le milieu militant, qui lui a consacré moults articles, livrees et qui est régulièrement cité en exemple dans la presse militante (Le Monde libertaire, CQFD, le Combat Syndicaliste, …) comme dans les médias mainstream (BFMTV, Le Parisien, les Inrockuptibles, …).
Mais au-delà des mots, cette expérience d’autogestion en milieu capitaliste a fini par dériver, comme hélas de nombreuses autres expériences du même type. Petit à petit, l’aspect autogestionnaire a fait place à l’autoritarisme. Une distinction apparait entre les « coopérateurs » – propriétaires du capital social – et les salariés. Il leur est demandé de faire des heures sup non payées, au nom de la « cause ».
Ainsi au mois de juin 2022, certains salariés ont décidé de refuser de continuer et de se taire. Ils ont décidé de mettre les pieds dans le plat, de dire tout haut la réalité loin des contes de fées,et se sont déclarés en grève. ils appellent à la solidarité, et notamment les militants.
Quand nous avons reçu l’information à la CNT-AIT, cela nous a rappelé la lutte des ex-travailleurs du Cinéma Utopia à Toulouse: un cinéma « alternatif », « engagé », vitrine médiatique mise en avant par tout le mouvement mais où les conditions de travail étaient celle de n’importe quelle entreprise classique : heures sup non payées, management par la pression, non respect de la parole des salariés … A l’époque, la plupart du milieu militant avait refusé de se solidariser avec les travailleurs d’Utopia en lutte au motif qu’on ne doit pas critiquer des « patrons militants » et un lieu si utile médiatiquement pour la « cause ». Les travailleurs en lutte, et ceux qui avaient pris fait et cause pour eux (dont la CNT-AIT) avaient été l’objet de la part du milieu militant au mieux de silence sur la lutte pour l’invibiliser, au pire d’une véritable campagne de dénigrement et même de haine. (si vous voulez en savoir plus sur cette lutte, cf. les articles en ligne https://cnt-ait.info/2020/09/18/la-lutte-cest-pas-du-cinema/ et la brochure « UTOPIA, La lutte c’est pas du Cinéma)
En ce qui nous concerne, militants anarchosyndicalistes, dans un conflit salarial – hier comme aujourd’hui -nous sommes du côté des travailleurs. Point. Les grévistes de la « Conquête du Pain » ont donc notre solidarité de principe et en acte. Les grévistes ont ouvert une cagnotte à laquelle vous pouvez contribuer si vous souhaitez et pouvez :
https://www.leetchi.com/c/les-grevistes-de-la-conquete-du-pain
Par ailleurs, cette lutte pour des conditions de travail digne dans le secteur de la boulangerie rejoint celle de nos compagnons de la chaine de boulangerie FIRIN en Autriche, montrant ainsi que l’exploitation salariale est un fléau à combattre internationalement.
des militants de la CNT-AIT Paris Banlieue
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Grève à La conquête du pain
21 juin 2022
Nous, travailleurs et travailleuses de la coopérative La conquête du pain décidons d’arrêter la production boulangère. Nos conditions de travail ne sont plus tolérables.
Il existe un climat totalitaire de sur-pression et d’intimidation de la part de notre gérante qui ne nous laisse pas d’autre choix que de faire la grève.
Oui, on arrête de produire le pain que la population de Montreuil consomme.
On veut que nos pains continuent à être vendus avec le symbole de la liberté d’une boulangerie qui n’a pas de patron. Nos pains expriment la capacité d’un collectif à se mettre d’accord et à produire une marchandise sans qu’un patron soit derrière nous, à nous exploiter en profitant de notre travail.
C’est pour ça qu’aujourd’hui nous nous révoltons et décidons de mettre fin à des conditions qui vont à l’encontre de nos idées et de nos principes. La discussion autour de ces dysfonctionnements est rendue impossible au cours des AG de salarié.es ; c’est pourquoi nous demandons la convocation d’une Assemblée des coopérateur.ices avec la présence des salarié.es de La conquête afin de régler la situation.
On invite tous les collectifs, associations, et toute la population montreuilloise à nous soutenir car nos demandes sont justes et permettront de donner une continuité à ce beau projet auquel nous tenons énormément :
Nous demandons une autogestion réelle de La conquête du pain et que ça ne soit pas seulement une étiquette qui permette de justifier certaines dérives autoritaires.
Nous demandons la révocation du mandat de la gérante actuelle.
Nous voulons de la transparence sur les aspects financiers et administratifs de la coopérative.
Nous voulons le respect du pouvoir décisionnel des salarié.es concernant les décisions à prendre au cours des AG des salarié.es.
Le travail que nous fournissons doit être respecté et non dénigré dans des logiques de victimisation et de culpabilisation qui nous forceraient à accepter des conditions de travail intolérables. Ces dynamiques, en plus du flou financier, ont fini par précipiter le départ de la pâtissière.
Nous voulons de la stabilité dans l’équipe ! Ras le bol de voir nos collègues de boulot partir les uns après les autres dans un état lamentable, générations de salarié.es après générations de salarié.es.
Nous réclamons la paie des heures sup non comptabilisées alors qu’elles ont été effectuées !
Nous réclamons le recrutement de plusieurs personnes afin d’alléger la charge de travail notamment au fournil ; cela permettrait d’arrêter de faire 60h sup par mois.
On veut pour nous la boulangerie entière, et pas juste des miettes !
On paralyse la production pour mobiliser nos droits et la révolte !
On ne veux plus se faire rouler dans la farine !
Du pain et des roses pour nous tous.tes !
Solidairement,
Des salarié.es de La conquête du pain.
Contact : laconquetedupainengreve@gmail.com
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Pourquoi nous sommes en grève ?
Le 1er juillet 2022
Bonjour,
Nous grévistes sommes salariés de la Conquête du pain. Nouvellement pour deux d’entre nous, et avec plusieurs aller-retour depuis 5 ans pour le troisième. La Conquête du pain c’est à la base un très beau projet qui nous tient énormément à cœur c’est une boulangerie auto gérée dans laquelle tout le monde est rémunéré de la même manière, ou chacun à son mot à dire au même titre que n’importe qui, que ce soit un ancien comme un nouvel arrivant.
Enfin en tous cas sur le papier. Le problème c’est que depuis un certain nombre d’années, à cause de quelques personnes, tous ces principes et ces valeurs défendues par la Conquête ne sont devenus que théoriques. En pratique, il n’y a plus aucune discussion possible depuis bien longtemps, le pouvoir est passé entre les mains de ces personnes qui ont détruit petit à petit tout ce qui faisait la grandeur de cette boulangerie, ainsi que tout les employés qui y sont passés. Il est à présent détenu par une seule personne qui continue à faire perdurer cette dynamique malsaine et toxique. C’est une guerre de pouvoir qui dure depuis des années avec au milieu un turn-over de salariés qui trinquent et partent les uns après les autres, usés, dégoûtés, proche du burn-out, malades, écœurés de s’être fait instrumentalisés, manipulés au milieu de cette guerre qui ne les concerne en rien, de n’avoir pas leur mot à dire, de ne prendre part à aucune décision, d’être témoins de disputes avec cris, hurlements et jets d’objets à longueur de temps, de voir ses collègues subir des pressions quotidiennes et dénigrement de leur travail et de le subir soi-même et de finir par avoir honte de travailler dans un lieu légendaire dans lequel on était si fiers de travailler en arrivant. On a essayé tout ce qu’il était possible d’essayer pour passer par le dialogue et la négociation mais on s’est retrouvés systématiquement face à un mur, comme tout ceux qui avaient essayés avant nous avant d’abandonner et de s’en aller.
Donc nous on a décidé de dire stop! On a décidé que tout ça avait assez duré et qu’il était temps de libérer les employés de cette dictature et de cette oppression et de rendre à cette boulangerie sa grandeur. C’est pourquoi nous nous sommes mis en grève afin de demander nos droits de travail et le départ de la gérante et ainsi de pouvoir enfin repartir sur des bases saines et travailler tranquillement et joyeusement dans une vraie autogestion, avec une réelle éthique qui est soit en accord total avec les valeurs que nous présentons et que nous défendons
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Trois semaines de grève à la boulangerie
Publié le 2 juillet 2022
Après trois semaines de grève à la boulangerie, on ne bouge pas, on lâche rien !
Voici le lien de la cagnotte pour soutenir les grévistes.
Merci de partager au maximum !
Bonjour camarades,
Nous sommes les grévistes de la boulangerie La conquête du pain située à Montreuil et ceci est nôtre troisième communiqué officiel.
Nous vous écrivons pour partager notre situation après presque trois semaines de grève.
Comme prévu ces trois semaines furent difficiles. Le conflit qui nous oppose à la gérante est éprouvant mais jusqu’ici nous avons tenu bon.
Durant ces trois semaines beaucoup de client.e.s, de collectifs, de syndicats, de cantines et de personnes du quartier, de la ville et d’ailleurs nous ont exprimé leur soutien. Nous avons eu également la proposition de la part de certain.e.s camarades de créer un Comité de soutien pour les grévistes (que vous êtes d’ailleurs cordialement invités à rejoindre). Tout ça nous a permis de garder la tête froide et le cœur et la résistance bien au chaud.
Merci infiniment pour tous vos mots d’espoir, vos messages qui nous inspirent et nous motivent à continuer, vos mails et vos idées qui nous aident à réfléchir et nous invitent à rester dans l’autocritique permanente, afin ne jamais reproduire la même chose, d’éviter les dérives qu’on critique et contre lesquelles on se bat, et ainsi de garder une véritable éthique politique dans toutes nos actions.
Ces dernières semaines nous avons pu expérimenter et confirmer la force du collectif, notre envie à tous d’aller jusqu’au bout dans cette guerre contre les relations de domination qui parfois existent même dans les projets autogérés, libertaires. Parce qu’on n’a jamais pensé qu’il suffisait d’avoir un joli panneau sur la façade de la boulangerie qui dise « Bio et Autogérée » pour ne pas imaginer que derrière, il pouvait se cacher une réalité toute autre et bien moins reluisante, très éloignée des valeurs revendiquées.
Nous continuons à présent notre 3e semaine de grève et nous avons décidé de nous faire accompagner par le syndicat Solidaires. A côté de ça nous entamons des démarches auprès de l’inspection du travail afin qu’ils viennent vérifier que les conditions de travail dans la boulangerie sont correctes et sans pratiques illégales.
Enfin, étant donné que ce chemin de lutte qu’on a décidé de prendre sera probablement encore long, nous avons décidé de lancer une cagnotte pour nous aider à tenir dans cette lutte. Nous sommes conscient.e.s. que l’aspect financier pourrait nous limiter dans notre lutte, c’est pourquoi nous en appelons a votre solidarité et à communiquer autour de vous notre situation.
Camarades, on continue cette lutte sans faire de pas en arrière. Nos revendications sont toujours les mêmes que nous vous avions transmises dans notre deuxième communiqué !
- Retrait de la gérance
- Nous voulons de la transparence sur les aspects financiers et administratifs de la coopérative
- Nous voulons le respect du pouvoir décisionnel des salarié.es concernant les décisions à prendre au cours des
AG des salarié.es. - Le travail que nous fournissons doit être respecté et non dénigré dans des logiques de victimisations et de culpabilisation qui nous forceraient à accepter des conditions de travail intolérables.
- Nous voulons de la stabilité dans l’équipe ! Ras le bol de voir nos collègues de boulot partir les uns après les autres dans un état lamentable, générations de salarié.es après générations de salarié.es
- Nous réclamons la paie des heures sup non comptabilisées alors qu’elles ont été effectuées !
- Nous réclamons le recrutement de plusieurs personnes afin d’alléger la charge de travail notamment au fournil ; cela permettrait d’arrêter de faire 60h sup par mois.
Merci à tou.te.s encore une fois d’être avec nous !
Vive l’autogestion !
Vive la lutte contre toutes les relations de domination !
Vive la grève !
Du pain et des roses pour nous tou.te.s !
Farineusement,
Les salarié.e.s en grève de La conquête du pain
Contact :
laconquetedupainengreve@gmail.com
FB :
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