CGTSR-AIT, Section Algérienne
A l’opinion publique
Au moment où se déroulent, avec un faste inouï, les fêtes du centenaire de la conquête de l’Algérie, il a paru aux Algériens résidant en France qu’il était utile, indispensable même, de faire entendre à l’opinion publique métropolitaine quelques vérités au milieu du concert de louanges officielles qui tend à couvrir de son bruit les plaintes d’un peuple qui souffre.
Certes, il serait beau de commémorer un centenaire si celui-ci avait pour but de magnifier un bel acte : l’affranchissement du peuple algérien. Malheureusement, le centenaire que l’on fête, en Algérie, n’a pas cette haute signification.

A l’opinion publique
La Voix libertaire n° 55. 15 mars 1930.
Au moment où se déroulent, avec un faste inouï, les fêtes du centenaire de la conquête de l’Algérie, il a paru aux Algériens résidant en France qu’il était utile, indispensable même, de faire entendre à l’opinion publique métropolitaine quelques vérités au milieu du concert de louanges officielles qui tend à couvrir de son bruit les plaintes d’un peuple qui souffre.
Certes, il serait beau de commémorer un centenaire si celui-ci avait pour but de magnifier un bel acte : l’affranchissement du peuple algérien. Malheureusement, le centenaire que l’on fête, en Algérie, n’a pas cette haute signification.
Depuis que le gouvernement de Charles X imposa, il y a cent ans, par la force du sabre, la « civilisation » à l’Algérie, qu’y a-t-il de changé ? Les colonisateurs et les marchands ont suivi la route tracée dans le sang du peuple arabe par les conquérants ; les uns ont dépossédé les indigènes et courbé sous leur joug hommes, femmes et enfants ; les autres se sont efforcés d’acquérir pour rien les produits naturels tout en vendant fort cher ce qu’ils apportaient. Concessionnaires et banquiers sont venus doubler l’ancien esclavage et, unis à la féodalité indigène, ont fait régner dans le pays conquis la plus dure exploitation.
Ainsi ce peuple, qui ne demandait rien à personne, a vu s’ajouter à la tyrannie de ses anciens maîtres celle des maîtres nouveaux.
A-t-il, au moins, retiré quelques bénéfices de la « civilisation » qu’on lui imposa il y a cent ans ? Non. Astreint aux devoirs des citoyens, il n’en possède pas les droits. Il reste soumis à l’odieux régime de l’indigénat qui fait de tous les Algériens des êtres diminués.
Pour lui, pas de liberté d’association, de pensée et de presse, mais les cours criminelles, les tribunaux répressifs qui font pleuvoir sur les malheureux Arabes les amendes et les corvées administratives, l’emprisonnement arbitraire, la confiscation. C’est l’Inquisition au XXe siècle.
Pour lui, pas de droit de vote, mais le service militaire de deux ans, alors que le Français ne fait que 18 mois.
Pour lui, la réquisition pour les travaux insalubres, mais pas d’écoles pour les filles et quelques-unes seulement pour les garçons.
Pour lui encore, les impôts écrasants, les brimades des féodaux arabes, d’accord avec l’administration et le gouvernement, mais pas de logements, pas d’hygiène, pas de législation du travail.
Économiquement et politiquement, le peuple algérien est absolument esclave, deux fois esclave. Il ne possède réellement que deux droits : souffrir et payer, souffrir en silence et payer sans rechigner.
C’est le centenaire d’un tel état de choses que les aristocrates arabes et les ploutocrates français, satisfaits et heureux, commémorent en ce moment en Algérie.
Les Algériens qui ont pu quitter ce pays inhospitalier sont solidaires de leurs frères restés de l’autre côté de la Méditerranée. Ils ont voulu, à l’occasion de ce centenaire, éclairer l’opinion publique métropolitaine, lui faire connaître l’odieux régime imposé à tout un peuple. Ils demandent à cette opinion de les aider à conquérir les droits dont jouissent tous lés autres citoyens français, puisqu’on leur impose des devoirs plus grands et plus lourds. Ils réclament notamment : l’abolition de l’indigénat, le droit syndical, la liberté de la presse, l’extension à l’Algérie de toute la législation sociale française.
Ils espèrent que leur appel sera entendu tout particulièrement par leurs frères : les travailleurs français. Et, en revanche, ils assurent ceux-ci de leur solidarité dans les luttes qu’ils entreprendront pour la libération commune. Ils savent que Français et Algériens n’ont qu’un ennemi : leur maître. Fraternellement unis, ils sauront s’en débarrasser pour fêter ensembles leur affranchissement.
La section algérienne de la C.G.T.S.R. / AIT P.S. – Cet article sera tiré en plusieurs milliers de tracts, ils sont gratuits à toute individualité ou groupement anarchistes et syndicalistes fédéralistes désireux de le diffuser. Les commander à Saïl Mohamed, Paris, 20ème, ou au siège de la C.G.T.S.R / AIT., Paris, 10e
(tract également paru dans La Voix libertaire n° 55. 15 mars 1930.)
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Le centenaire de la conquête de l’Algérie
La Voie libertaire n°30. 21 septembre 1929.
Le gouvernement et la bourgeoisie française célébreront, l’an prochain, le centenaire de la conquête de l’Algérie. Nous verrons, à cette occasion, les patriotes et les chauvins de tout acabit s’en donner à cœur joie ; les folliculaires appointés des grands bourreurs de crânes proclameront, en de massives colonnes, les vertus civilisatrices de la France.
Que nous a donc apporté cette France si généreuse dont les lâches et les imbéciles vont partout proclamant la grandeur d’âme ?
Interrogez un simple indigène, tâchez de gagner sa confiance. L’homme vous dira de suite la lamentable situation de ses frères et l’absolue carence de l’administration française devant les problèmes d’importance vitale.
La presque totalité de la population indigène vit dans la misère physique et morale la plus grande. Cette misère s’étale largement. Dans les villes d’Algérie, ce ne sont, la nuit venue, que gens déguenillés couchés sous les arcades, sur -le sol. Dans les chantiers, les mines, les exploitations agricoles, les malheureux indigènes sont soumis à un travail exténuant pour des salaires leur permettant à peine de se mal nourrir.
Commandés comme des chiens par de véritables brutes, ils n’ont pas même la possibilité de recourir à la grève, toute tentative en ce sens étant violemment brisée par l’emprisonnement et les tortures. N’ayant aucun des droits de citoyen français, soumis à l’odieux et barbare code de l’indigénat, les indigènes sont traînés devant des tribunaux répressifs spéciaux et condamnés à des peines très dures pour des peccadilles qui n’amèneraient, dans la métropole, qu’une simple admonestation.
Toute presse indigène étant interdite, toute association étant vite dissoute, il ne subsiste, en Algérie, aucune possibilité de défense pour les malheureux indigènes spoliés et exploités avec la dernière crapulerie qui puisse exister. 1
Ils sont astreints à un service militaire de deux ans, car ils constituent, pour les boucheries guerrières, un appréciable réservoir de chair à canon. Pendant la – guerre du droit », un grand nombre d’entre eux furent immolés à la victoire de cette France qui est bien pour eux la plus épouvantable des marâtres.
Avec des crapuleries les plus basses, le gouvernement français a anéanti toutes les écoles indigènes du pays, les remplaçant par des écoles françaises en nombre, ridiculement insuffisant. Des douars comportant de nombreux villages, comptant des milliers et des milliers d’individus, sont entièrement privés d’enseignement. La généralité des femmes vivent dans l’ignorance absolue. Le résultat de cette politique ignoble est, dans les masses algériennes, une ignorance de bêtes de somme, ignorance voulue et entretenue par l’administration française.
Civilisation, n’est-ce pas ! Oh, lâches gouvernants ! L’agent de cette administration, auprès des indigènes, est un sinistre individu nommé caïd, individu méprisable, mouchard, il achète sa charge de policier et exerce une véritable terreur sur ses malheureux compatriotes. Canaille vénale, le caïd est toujours à vendre. Malheur à celui qui, ayant commis une faute légère, ne peut acheter son silence ! Malheur à l’indigène qui n’a pas l’heur de lui plaire ! Il fera connaissance avec les tribunaux d’exception, tôt ou tard.
La colonisation française aurait-elle apporté le progrès technique en Algérie ? Elle y a construit une seule ligne de chemin de fer, avec une seule voie. Dans la presque totalité de la colonie, les indigènes sont obligés, pour se déplacer, d’accomplir des marches longues et pénibles. Dans les campagnes, il n’y a point de service postal pour les indigènes ; ces derniers doivent, s’ils veulent entrer en possession d’une lettre ou d’un colis, perdre plusieurs jours pour aller à la ville et s’en retourner. Les routes, les ponts sont très rares, et les indigènes payent des impôts écrasants.
Beau progrès, vraiment !
Le sol de l’Algérie est riche, et les industriels et gros commerçants français rapaces, sans scrupules. Ils n’ont pas hésité à détruire complètement la civilisation algérienne, jadis florissante, parcelle de la grande civilisation musulmane. Ils ont mis à la place l’oppression féroce, l’arrogance, la misère, la mort. Leur civilisation !
Inaugurée par un vol pur et simple – le refus de la France de payer une livraison de blé – la conquête de l’Algérie ouvrit, pour la bourgeoisie française, une ère de banditisme colonial qui n’est point close.
Donc, pour votre cynique parade, Messieurs les bourgeois et vos valets de tous poils, et malgré la haute prétention du napoléonet Chiappe qui espère museler les « subversifs » coloniaux, le groupe anarchiste algérien est décidé à démontrer à l’opinion publique vos crimes, vos ignominies que vous voulez baptiser du mot « civilisation ».
(Première publication sur https://cnt-ait.info le mardi 2 novembre 2004)
Anarchosyndicalistes algériens
Si Mohaled Saïl est l’anarchosyndicaliste algérien le plus connu, car il a beaucoup écrit dans les journaux libertaires et anarchistes, d’autres noms nous sont parvenus via … les archives de la surveillance policière :
Beddek , Mohamed Dit Rabah. Né en 1913 à Aguemmoun, Beni Aïssi, Fort-National CM. Manoeuvre à
Lyon. (Voir le dossier Beddek, Mohamed ben Amar. 91 4I 113) (https://fr.scribd.com/document/802305380/Franom-01223-Ax)
Beddek , Mohamed ben Amar Né en 1901 à Aguemoun, Beni Aïssi, Fort-National CM. Etabli à Lyon.
Cafetier. Métallurgiste. Restaurateur. ENA. PPA. CGTSR. 1939-1956. 91 4I 113
Froumy CGTSR (Confédération générale du travail syndicaliste révolutionnaire). 1939.
91 4I 130
Escobedo Né en 1881. Ressortissant espagnol. Cafetier à Alger. Anarchiste militant. Inscrit au carnet B en 1937. 91 4I 168
Lacaba , Claudie Né en 1898. Espagnol. Anarchiste militant à Alger. Inscrit au carnet B en 1937. 1939. 91 4I 141
D’autres noms émergent de la presse anarchiste de l’époque :
FAIVRE : Le 21 février 1927, lors d’une assemblée gégérale des coiffeurs de Blida, il avait été décidé d’adhérer à la Fédération des coiffeurs CGTSR d’Alger. Faivre avait été nommé secrétaire de la section de Blida. (Sources : Le Libertaire, 11 mars 1927)
Luis Ferrando était en 1937 membre de la CGTSR à Alger, comme Marius Moliné qui militait dans les années 1930 au syndicat du bâtiment CGT d’Alger. En 1938 il quitta le syndicat après une grève dont il fit le récit dans le journal Terre libre (n°46, 11 février 1938). Revenu en métropole il milita ultérieurement à la CGTSR de Nîmes.
Michel Picon était dans les années 1930 l’un des responsables de la Fédération anarcho-syndicaliste d’Oran, adhérente à la 29e région de la CGTSR, avec Lopez. Ce dernier en 1938 résidait au quartier Gambetta et recevait les adhésions, chaque jour, à la Maison Gaudin, rue du général Valazé (Sources : Combat syndicaliste, n°245, 28 janvier 1938).
Edmond Plain était dans les années 1920 militant à Meknès au Maroc. En 1924 il participait à l’emprunt pour Le Libertaire quotidien. En 1938 il était le secrétaire de la section algéroise de la Solidarité Internationale Antifasciste (SIA), à laquelle participait aussi Fernand Doukhan. En 1946 il était membre du groupe d’Alger de la Fédération anarchiste (FA). (Sources : SIA, année 1938 // Le Libertaire, années 1924, 1946)
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