lundi 30 juin 2008
Ces dernièrs mois, des émeutes de la faim se sont répandues comme une traînée de poudre dans un grand nombre de pays. Ces évènements, graves, sont révélateurs de l’état de crise dans lequel est plongée aujourd’hui la population mondiale. Une crise qui n’est vraiment pas due au hasard ! La hausse infernale des prix de la nourriture, qui affame à travers le monde des millions et des millions d’êtres humains a certainement plusieurs causes. Mais, la principale, la plus massive, la plus directe, c’est la spéculation.
Les accapareurs cause première de la crise alimentaire mondiale
Les spéculateurs, véritables accapareurs des temps modernes [1], se sont détournés, pour cause de crise des subprimes, de certains marchés financiers. Ils se sont jetés, comme la misère sur le pauvre monde sur un autre marché : celui des matières premières alimentaires. Le résultat ne s’est pas fait attendre : pour les spéculateurs, de gros bénéfices ; pour les populations du tiers-monde la réapparition massive de la faim et de l’extrême misère, pour les populations des pays dits développés (et qui sont en fait en pleine régression sociale), quelques crans de serrage de plus à la ceinture. Ainsi on a apprit que le riz est déjà rationné aux USA et en Israël.
Après le rationnement par l’argent, le rationnement tout court, genre celui des années de guerre.
Une autre raison joue dans le même sens que la spéculation : le développement, dans des pays qui en avaient peu jusqu’ici, d’une classe bourgeoise tout aussi avide de sur-consommer que notre propre bourgeoisie et qui donc pompe une bonne part des ressources alimentaires pour elle seule. D’autres « explications » sont avancés périodiquement dans les médias.
La première repose sur les variations climatiques : sécheresses ici, inondations là-bas ont affecté les récoltes.
L’autre grande explication vise les bio-carburants. Leur fabrication requiert en effet d’énorme quantités de plantes, dont les surfaces d’exploitation ne sont donc plus disponibles pour des cultures vivrières.
Ces deux raisons sont réelles, mais les médias oublient généralement de mettre l’accent sur leur cause. Car, le réchauffement climatique tout comme le choix des surfaces pour les productions de biocarburants (ainsi d’ailleurs que sur le gaspillage de carburant en général !) ne sont pas dus non plus au hasard, mais, tout comme la famine, sont une conséquence directe de l’existence du capitalisme et de l’Etat.
Pendant la famine, la mondialisation continue
La situation étant très chaude, les hypocrites qui nous gouvernent, font semblant de découvrir que leurs politiques économiques aboutissent à la famine. Ils sonnent, d’ailleurs mollement, à travers les principales institutions internationales, l’alarme : il faut de l’argent pour sauver les pauvres. On sent qu’ils nous préparent un grand appel à la poche et au coeur, un « Téléthon » pour crève-la-faim.
Pendant ce temps ils poursuivent tambour battant la mondialisation de l’économie et la concentration des moyens de production dans un petit nombre de mains ; autrement dit, ils travaillent activement à la disparition des petits producteurs locaux de cultures vivrières et ils préparent ainsi les prochaines famines. La crise que nous vivons n’est pas prête de s’arrêter d’elle-même !
Les altermondialistes proposent leur solution : un nouveau type d’organisation du commerce mondial, un commerce plus juste, plus respectueux de l’environnement. C’est oublier à qui profite le commerce aujourd’hui. C’est oublier que les grandes multinationales tout comme les hiérarques des états (développés ou pas) ont construits de vastes fortunes sur le dos des pauvres, grâce justement à leur « loi du marché ». Une pseudo loi dont ils n’attendent pas comme ça renoncer aux bénéfices ! Qui peut croire que ces puissants vont lâcher leurs privilèges s’ils n’y sont pas obligés ? Ils ne l’ont pas fait avant, ils ne le feront pas aujourd’hui.
D’ailleurs, leur réaction face aux émeutes de la faim est claire : s’ils sonnent l’alerte humanitaire dans les pays occidentaux pour éviter à leurs populations d’avoir d’éventuels remords de conscience, dans les pays pauvres, ils n’hésitent pas à tirer sur les foules pour les soumettre.
Pour nous, il est évident que le conflit n’est pas plus entre « ici » et « là-bas », entre occident et tiers monde qu’entre gauche et droite. Il est entre bas et haut. Entre la classe de ceux qui sont opprimés et celle de ceux qui les oppriment. Ce n’est pas de dirigeants qu’il faut changer, ou bien de lois, mais bien le système dans son ensemble.
C’est une révolution, à l’échelle de la planète, qu’il faut mettre en route. Et cela, chacun, modestement, par son action de tous les jours, peut y contribuer.
Michel
Extrait du journal Anarchosyndicalisme ! #106
Consultable en ligne ici : http://www.cntaittoulouse.lautre.ne…
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https://www.courrierinternational.com/article/2008/02/01/des-galettes-de-boue-pour-tout-repas
HAÏTI. Des galettes de boue pour tout repas
Dans ce pays, l’un des plus pauvres du monde, les paysans affamés finissent par manger de la boue salée et séchée. L’augmentation du prix des céréales, les inondations, l’instabilité politique et la mauvaise gestion de l’aide humanitaire sont en cause.
Lecture 2 min.Publié le 1 février 2008 à 16h24, mis à jour le 9 juin 2022 à 22h30
Quand il n’y a rien à manger, il y a encore de la terre. Le mélange, avec un peu d’eau, du sel et de la matière grasse végétale, donne une masse boueuse lisse. Découpée en rondelles plates et séchées au soleil, elle devient une sorte de “biscuit”, “peu appétissant et qui donne des maux de ventre”, disent ceux qui en goûtent. Mais c’est bien le seul repas que prennent des milliers de Haïtiens trois fois par jour depuis quelques semaines. Autant dire que Haïti n’en finit pas sa descente aux enfers.
Comment en est-on arrivé là? Charles Ridoré, un Fribourgeois d’origine haïtienne et ancien secrétaire romand de l’organisation caritative Action de carême, accuse d’emblée la classe politique de son pays natal. “L’instabilité et la guerre des clans ont empêché tout progrès. Les réformes, notamment agraires, n’ont pas eu lieu, et le pays importe l’essentiel des produits alimentaires de base”, explique-t-il. En effet, la totalité de la farine consommée, soit 200 000 tonnes par an, est importée. Pour le riz, 75 % de la consommation – soit 320 000 tonnes – vient de l’étranger.
Or les prix du riz et de la farine ont pris l’ascenseur ces derniers temps sur le marché mondial. Les raisons sont multiples : mauvais temps, récoltes insuffisantes, forte demande de l’Asie émergente et utilisation de blé pour les biocarburants. “Pour les 6 millions de Haïtiens qui vivent dans l’extrême pauvreté, sur une population de 9 millions d’habitants, la hausse des prix des produits alimentaires est insupportable”, explique Mario Rapacosta, fonctionnaire à l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), basée à Rome. Il fait aussi remarquer qu’il y a de moins en moins de vivres disponibles pour l’aide humanitaire.
Autre raison de cette catastrophe : Noël et Olga, deux cyclones tropicaux qui ont dévasté le pays en novembre et en décembre. “Ils ont frappé juste avant la récolte des bananes plantain et des légumes et ont tout détruit”, poursuit Mario Rapacosta. Selon lui, ce sont précisément les paysans des hauts plateaux qui ont tout perdu et qui sont aujourd’hui réduits à l’extrême pauvreté.
Marco Gilli, responsable de l’aide humanitaire suisse à Port-au-Prince, la capitale haïtienne, n’est pas surpris que les gens démunis finissent par manger de la boue. “Nous voyons de plus en plus d’enfants à la campagne, ayant une teinte rouquine. C’est un indicateur fiable de l’extrême malnutrition”, dit-il. La coopération suisse consacre environ 5 millions de francs par année à Haïti. L’essentiel est versé au Programme alimentaire mondial (PAM), qui achète et distribue les vivres.
Mario Rapacosta ne cache pas sa frustration face à cette situation. Il estime que le fonctionnement de la FAO, mais aussi de l’ensemble des organisations onusiennes et non gouvernementales, est en cause. “Nous agissons en cas d’urgence et négligeons les problèmes structurels, dit-il. Le travail de prévention des catastrophes – construction des infrastructures, éducation des paysans – passe à la trappe.”
Pour Charles Ridoré, il y a un autre coupable: les exportations subventionnées du riz, de la farine et d’autres denrées par les Etats-Unis et l’Europe. “Petit à petit, nos paysans ont abandonné les champs parce qu’ils ne pouvaient pas faire face aux importations à bas prix, explique-t-il. Aujourd’hui nous sommes dépendants des importations et payons le prix fort lorsque le marché international est à la hausse.”