G. Amista
Recension du livre de Janet Biehl, Le Municipalisme libertaire (Montréal, Ecosociété, 1998, 293p.)parue dans L’Affranchi, journal des amis de l’AIT en Suisse, n°16 printemps–été 1999
Il faut tout de suite dire que derrière ce livre se trouve Murray Bookchin, et l’auteure de ce texte ne s’en cache pas. Son idée est de livrer un « résumé » aussi exact que possible des théories de celui-ci. Toutefois, il est bien clair que les dimensions d’un tel ouvrage ne sont pas propres à contenir les dizaines d’années de réflexion et de travail de Bookchin. Aussi, ce livre souffre-t-il d’une certaine tendance à la simplification et au raccourci. Ces défauts difficilement évitables dans ce genre d’exercice, permettent tout de même de se faire une bonne idée de ce qu’est le municipalisme libertaire.
Bookchin est certainement un des principaux penseurs anarchistes de ce siècle. Après avoir été un syndicaliste très actif dans les années trente aux États-unis, il s’intéresse à partir des années soixante à l’écologie et aux destructions causées à l’environnement par le capitalisme. Pour lui, comme pour Marx avant lui, « le capitalisme est un système qui doit nécessairement détruire la société à cause de son principe directeur de production pour la production, de croissance pour la croissance « . La solution est pour Bookchin la mise en place d’une société rationnelle communiste libertaire qui articule au mieux les intérêts des individus et la préservation de l’environnement naturel. Il est notable qu’à la différence de certains écologistes radicaux dits « profonds », il ne se défie pas de la technologie et, qu’il compte, au contraire, sur sa mise en œuvre bienfaisante, notamment pour tendre à supprimer les travaux les plus pénibles.
Bookchin a profondément étudié l’histoire de l’organisation politique des sociétés humaines. Sa conclusion est que c’est la Cité qui doit servir de base à la transformation sociale. Cette « histoire des Cités » est certainement un des aspects les plus intéressants du travail de Bookchin. Il observe qu’avec l’apparition de la Cité, c’est le champ politique qui s’ouvre et, sonnant la fin des appartenances tribales et claniques, permet l’émergence de l’espace public. Son idée est que l’existence de l’État n’est pas une fatalité et que dans son histoire il s’est vu confronté à la Cité. Un des modèles est celui des cités médiévales (Xe au XIIe siècle), rencontrées par exemple dans le nord de l’Italie, dont il démontre l’opposition au modèle féodal en vigueur. Une opposition qui, d’ailleurs, ne cessera de croître, et se traduira par une volonté d’autonomie manifestée par les communes auprès et contre les seigneurs féodaux. Pour lui, le politique ne se confond pas forcément avec l’État, et la Cité offre des possibilités pour des pratiques de démocratie directe.
Il relève d’ailleurs que l’État-nation, hégémonique à l’heure actuelle, ne peux de construire qu’au détriment des unités municipales. Pour autant, on ne trouve trace chez lui d’aucune complaisance à l’égard des modèles qu’il a étudiés. Il reconnaît toute l’étendue de leurs lacunes, comme à Athènes ou dans les cités médiévales qui ne conféraient aucun droit politique aux femmes, et ne conféraient pas le statut de citoyen aux plus pauvres.
Malgré cela, Bookchin estime qu’il y a là source à inspiration pour une organisation sociale libertaire. Pour lui l’espace de la ville et, encore plus, celui du quartier permettent de mettre en relation des individus sur des sujets qui les concernent également : environnement, éducation, transport. La base de l’organisation municipaliste libertaire sera donc une assemblée populaire souveraine. On trouvera une assemblée pour chaque ville ou partie de ville pour les plus grandes, qui seront reliées entre elles sur le modèle de la confédération. Concernant le fonctionnement de ces institutions, des garde-fous directement empruntés aux idées anarchistes seront mis en place afin d’éviter que l’apparition d’une classe politique. Ainsi le pouvoir décisionnel reviendra en toute chose à l’assemblée, et ses représentants seront désignés pour dire ou faire ce pour quoi l’assemblée les aura mandatés. Toute cette réalité future du municipalisme libertaire est longuement présentée dans ce livre, mais les exemples concrets sont très peu nombreux, ce qui n’aide pas à rendre l’ensemble clair.
Comme dans toute théorie révolutionnaire, une des colles qui est posée est celle de la transition, c’est-à-dire des actions à mener et des structures à mettre en place en vue d’un changement radical de société. Bookchin envisage de participer aux élections municipales dans le but d’utiliser la campagne pour faire connaître les idées municipalistes, et d’avoir des représentants à l’assemblée municipale, où ils pourraient faire valoir leurs idées et influencer la politique municipale. Cette proposition est pour le moins étonnante de la part d’un anarchiste, lorsque l’on sait la défiance – justifiée!- de ces derniers à l’égard des élections. En effet, qu’est-ce qui va garantir que les élus se tiendront au programme de leur groupe, et qu’aucuns de ceux-ci ne va accepter une place dans l’exécutif (ce contre quoi Bookchin met pourtant en garde)? Selon lui, la force de caractère et de conviction des militants. Cette réponse n’est bien sûr pas satisfaisante, et cette idée d’intégrer, ne fut-ce qu’au niveau local, le jeu électoral apparaît comme le plus sûr moyen de se dissoudre dans le système, en y apportant, qui plus est une caution écolo-libertaire. De plus, si l’on pense au cas européen, que feraient les élus municipalistes libertaires dans une réalité où le destin des communes est non seulement intimement lié à celui des états, mais encore à celui de l’Union européenne. En effet, il faut savoir la part gigantesque que tiennent les aides et les subventions européennes dans le budget de certaines communes qui ne peuvent vivre sans.
Bookchin préconise aussi de mettre en place dès aujourd’hui des assemblées municipalistes libertaires, lieux d’apprentissage pour les militants, parallèlement aux institutions classiques, qui n’auront certes, aucun réel pouvoir, mais qui en se renforçant deviendront de fait (accroissement du nombre de membres, action directe) des interlocuteurs obligés pour les autorités. Mais la question se pose de la tolérance par ces dernières de telles structures, si d’aventure celles-ci parviennent à dépasser le stade de la discussion pour avoir un impact effectif sur leur réalité. Pour Bookchin, cette confrontation est inévitable et même souhaitable, car le but est selon lui, d’en arriver à créer une situation révolutionnaire, mais ce livre nous dit peu de choses sur la façon de se comporter lors de telles « crises ».
Mais la plus grande objection qui est à faire à la théorie de Bookchin, présentée par Janet Biehl, c’est qu’elle ignore quasi totalement la dimension économique. Il nous est certes dit que l’économie, une fois faite la révolution municipaliste libertaire, sera municipalisée, c’est-à-dire que la gestion de la production sera entre les mains des assemblées de citoyens. On nous apprend encore que les travailleurs auront aussi leur avis à donner en tant que citoyens mais que, comme travailleurs, ils ne sauraient avoir le contrôle de la production car cela pourrait faire renaître la concurrence entre usines. Ce problème peut effectivement se présenter, mais on peut aussi imaginer que les assemblées de citoyens en viennent à faire preuve d’autoritarisme à l’endroit de certaines catégories de travailleurs peu représentés en leur sein, car Bookchin signale que la participation aux assemblées ne sera pas obligatoire. Si l’économie municipaliste libertaire est peu définie, c’est qu’il l’écarte d’entrée d’un processus qui est fondamentalement politique. Ainsi, rien n’est dit concernant la lutte, dans l’immédiat, contre le pouvoir des capitalistes dont l’action ne cesse de dégrader les conditions de vie des individus. Là-contre, ni les assemblées citoyennes parallèles et symboliques, ni quelques élus municipaux, même fidèles, ne pourront rien faire. De même, il n’est guère tenu compte du fait que, si les problèmes de la ville et du quartier peuvent rapprocher les gens, les mêmes personnes ne continuent pas moins à occuper des places différentes dans l’organisation sociale et économique et de disposer de moyens différents (argent, temps). A ces conditions, des disparités difficilement surmontables risquent d’apparaître dans une assemblée qui ne prendra pas en compte cette réalité. A la question qui est posée à Bookchin en fin d’ouvrage concernant le temps et les possibilités qui manquent aux citoyens les plus défavorisés pour « se présenter à une assemblée publique », il repond: « si les gens veulent devenir des êtres humains plutôt que des organismes qui ne font que survivre, je prétends qu’il faut faire quelques compromis ». Cette réponse brutale et simpliste – c’est un euphémisme ! – semble ignorer que beaucoup sont aujourd’hui dans des situations de survie auxquelles seule une amélioration de leur situation économique peut remédier.
C’est justement parce que Bookchin considère que le combat au cœur même du système économique n’est plus possible qu’il cherche d’autres voies pour la réalisation d’une société libertaire. Mais sa trouvaille ressemble à la mise à l’ordre du jour de la tentation, qui n’a jamais quitté certains dans le mouvement libertaire, de participer à la vie politique
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Autres textes à propos du Municipalisme libertaire :
Rappel historique de l’idée de l’action communale, et critique de la perspective électorale (notamment de l’incompatibilité du système avec le mandat impératif).
Philippe Pelletier, « Municipalisme libertaire ou Socialisme anarchiste« , in IRL N°68-69, été 1986.
Longue critique, dont les points principaux portent sur l’ « essence libertaire » attribué par Bookchin à la ville/commune (lieu de vie) face à l’usine (lieu de travail) ; la critique de la participation d’anarchistes aux conseils communaux ; la réfutation de la diminution du prolétariat (si on prend les chiffres mondiaux plutôt que des seuls USA). Au final, pour Pelletier, Bookchin s’écarte de l’anarchisme.
Denis, « L’illusion d’un municipalisme libertaire », OCL Reims, Janvier 2001.
http://kropot.free.fr/OCL-Municipalisme.htm
Et aussi, à écouter:
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Janet BIEHL rompt avec l’écologie sociale [
Ce qui suit a été laissé comme commentaire sur le premier article du blog ISE « Annoncer le nouveau blog ISE ». Republié ici sous forme de billet de blog avec la permission de l’auteur.]
Eric Jacobson, Londres
Cher Éric,
Merci pour votre invitation à participer à la discussion sur le blog de l’Institut d’Ecologie Sociale (ISE, Institute for Social ecology).
Je n’ai eu aucun contact avec vous au cours des deux dernières décennies, donc dans le processus de réponse, je devrai vous mettre au courant de certaines choses.
La version courte est la suivante : le blog ISE est un lieu pour les personnes qui s’identifient comme des écologistes sociaux. Je ne suis plus une telle personne.
Oui, dans les années 1990, j’ai écrit des livres et des articles prônant l’écologie sociale et la défendant contre ses détracteurs. J’ai aimé et vécu avec [Murray BOOKCHIN], un éminent écologiste social pendant près de vingt ans. Pendant les feux d’artifice des années 1990, après que Murray se soit retiré du travail politique actif, lui et moi avons collaboré à l’écriture, à l’édition, à la transcription, à la traduction et à la recherche en même temps que nous devions répondre à des séries de critiques arrivant les unes après les autres. C’était ardu et frénétique au-delà de toute imagination. J’ai mis beaucoup de chaleur pour le défendre lui et l’écologie sociale, mais si c’était à refaire, je le ferais.
Comme vous le savez, j’ai écrit un livre résumant le municipalisme libertaire, dont le but était de séduire les anarchistes. À la fin des années 1990, lors d’une série de conférences et dans d’autres contextes, des anarchistes à l’échelle internationale ont résolument rejeté le municipalisme libertaire. À ce stade, Murray a choisi de s’écarter de la tradition anarchiste et de l’ancrer dans une tradition différente, le communalisme. J’ai compris et sympathisé avec son choix, mais j’en ai fait un autre : je suis revenu à mon identité politique d’avant 1987, qui était ce que les gauchistes appellent un social-démocrate. J’en ai parlé à Murray, à personne d’autre, mais cela n’avait pas beaucoup d’importance parce que 2000-2006 était une période d’inactivité politique pour nous deux, alors que nous terminions La Troisième Révolution et ses autres derniers écrits, et il entrait dans son déclin, pendant que je m’occupais de lui.
Après la mort de Murray, par loyauté envers lui, j’ai gardé un profil bas sur mes nouvelles opinions politiques ; par loyauté envers moi-même, j’ai évité de prôner l’écologie sociale (même si j’avoue quelques rechutes, car les vieilles habitudes ont perdu la vie). Comme je le lui avais promis, je suis devenu son biographe, écrivant « Bookchin Breaks with Anarchism » (Bookchn rompt avec l’anarchisme), « Bookchin’s Originality » (l’originalisté de Bookchin), la brochure récente et la biographie complète à venir (que j’espère terminer plus tard cette année).
Pendant ce temps, alors que la vie sociale et économique américaine subissait des bouleversements et une régression, j’ai trouvé que l’anti-étatisme de l’écologie sociale communaliste était paralysant. Pour adhérer au moins à l’apparence de l’anti-étatisme, j’ai dû m’étouffer politiquement. (Au moins dans la solitude d’un isoloir, je pouvais voter pour Obama.) Mais à l’automne 2010, lorsqu’un candidat démocrate au poste de gouverneur s’est présenté sur une plate-forme pour apporter des soins de santé à payeur unique dans l’État du Vermont, je ne pouvais plus me réprimer moi même. J’ai franchi la fine ligne noire et… j’ai fait du bénévolat pour ce candidat. Peu de temps après, j’ai commencé à « faire mon coming-out » à mes amis de l’écologie sociale. Heureusement, ils l’ont généralement pris sans sourciller, et je reste en bons termes avec la plupart d’entre eux ; mes amis de New Compass, par exemple, continuent de publier mes écrits dans des domaines qui nous sont communs.
Murray a développé l’écologie sociale dans l’après-guerre, lorsque faire avancer l’agenda social de manière radicale semblait possible. L’Utopisme, disait-il, est non seulement possible mais nécessaire. Aujourd’hui, c’est peut-être encore nécessaire, mais cela semble très loin d’être possible. Les champions de l’anti-étatisme aujourd’hui sont Wall Street, de gigantesques institutions financières, des multinationales. Les frères Koch sont la grande réussite du libertarianisme américain, rongeant leur frein pour défaire le filet de sécurité sociale que les progressistes du XXe siècle ont eu du mal à créer. (D’autres forces inféodées au capital réduisent les programmes sociaux en Europe et au Royaume-Uni.) Dans les mois à venir, les républicains au Congrès vont mettre Medicaid et Medicare sur le billot. De nombreuses personnes réelles – pas des personnes théoriques dans les pages d’articles théoriques, mais des personnes réelles – souffrent maintenant du royalisme financier débridé de Wall Street et souffriront davantage lorsqu’elles perdront les programmes sociaux. Je ne vois pas comment une pratique anti-étatique peut aborder de manière constructive cette situation inquiétante. Ce qui a du sens pour moi, aussi banal que vous puissiez le penser, c’est un combat d’arrière-garde pour préserver les programmes sociaux. Alors non, je ne formerai pas un groupe d’étude pour écraser l’État ; Je marcherai pour défendre Medicare et Medicaid. Je ne suis pas un anti-étatiste – que ce soit dans sa version anarchiste, communaliste ou écologiste social. Je suis une social-démocrate et je ne m’en excuse pas.
Je comprends que des personnes qui s’identifient comme écologistes sociaux aient exprimé leur désir, sur le blog de l’ISE, de voir l’écologie sociale changée. Ce n’est pas mon affaire. Pour moi personnellement – et j’insiste personnellement – l’écologie sociale restera toujours dans ma mémoire telle que Murray l’a définie et comme je me suis battue pour elle pendant quinze ans. Je ne m’attends pas à ce que quelqu’un d’autre soit d’accord avec moi ni ne partage cette attitude; je ne leur demande pas non plus.
Dès son enfance, Murray a lutté pour construire un mouvement révolutionnaire qui pourrait créer une société rationnelle et écologique, mais à la fin de sa vie, il a su qu’il avait échoué. Une vie d’énergie débordante, des oraisons charismatiques, une exposition patiente d’idées, plusieurs postes d’enseignement, y compris une chaire complète, des tournées de conférences infatigables, une écriture sans fin – rien de tout cela n’a donné de résultats qui ont même commencé à réaliser sa vision. Sa consolation, au cours de ses dernières années, était l’intégrité, la cohérence et la beauté (c’est mon mot) des idées et des histoires dans quelques étagères de livres. Il était fier d’eux, à juste titre. Alors que l’époque à laquelle il les a écrits s’éloigne dans le temps, je lui fais la courtoisie et lui rends hommage en laissant cette création intacte. Sachant que les gens me considèrent toujours comme un écologiste social, je préfère sortir complètement de cet ensemble d’idées, plutôt que d’embrouiller les choses en traînant l’étiquette à travers mes pérégrinations politiques ultérieures. Je demande et n’attends d’aucun écologiste social qu’il fasse le choix que j’ai fait. Surtout, je ne participe plus aux discussions intra-muros et aux débats entre anti-étatiques. Donc : de mon perchoir en dehors des limites de votre discussion, je souhaite bonne chance aux écologistes sociaux de l’ISE dans votre réflexion.
Janet Biehl Burlington, Vermont 14 avril 2011
Janet Biehl breaks with social ecology
https://social-ecology.org/wp/2011/04/biehl-breaks-with-social-ecology/
[The following was left as a comment on the ISE Blog’s initial post “Announcing the New ISE Blog.” Re-published here as a blog post with permission from the author.]
Eric Jacobson
London
Dear Eric,
Thanks for your invitation to participate in the discussion on the ISE blog. I’ve had no contact with you for the past two decades, so in the process of replying, l’ll have to bring you up to date on a few things.
The short version is: the ISE blog is a venue for people who identify as social ecologists. I am no longer such a person.
Yes, during the 1990s I wrote books and articles advocating social ecology and defending it against its critics. I loved and lived with a notable social ecologist for almost twenty years. During the fireworks of the 1990s, after Murray retired from active political work, he and I collaborated in writing, editing, transcribing, translating, and researching at the same time as we had to answer one incoming round of criticism after another. It was arduous and frenetic beyond belief. I took a lot of heat for defending him and social ecology, but if I had to do it all over again, I would.
As you know, I wrote a book summarizing Libertarian Municipalism, whose purpose was to appeal to anarchists. At the end of the 1990s, at a series of conferences and in other settings, anarchists on an international scale decisively rejected LM. At that point, Murray chose to depart from the anarchist tradition and anchor it in a different tradition, communalism. I understood and sympathized with his choice, but I made a different one: I reverted to my pre-1987 political identity, which was what leftists call a social democrat. I told Murray about it, no one else, but it didn’t much matter because 2000-2006 was a period of political inactivity for both of us, as we finished The Third Revolution and his other final writings, and he entered his decline, while I cared for him.
After Murray’s death, out of loyalty to him, I kept a low profile on my changed political views; out of loyalty to myself, I avoided advocating social ecology (although I admit to some backsliding, as old habits died hard). As I had promised him I would, I became his biographer, writing “Bookchin Breaks with Anarchism,” “Bookchin’s Originality,” the recent pamphlet, and the forthcoming full biography (which I hope to finish later this year).
Meanwhile, as American social and economic life has been undergoing turmoil and regression, I found the antistatism of social ecology/viz. communalism paralyzing. In order to at least adhere to the appearance of antistatism, I had to stifle myself politically. (At least in the solitude of a voting booth I could vote for Obama.) But in the fall of 2010, when a Democratic candidate for governor ran on a platform to bring single-payer healthcare to the state of Vermont I could not longer suppress myself. I crossed the thin black line and … did volunteer work for this candidate. Shortly afterward I began “coming out” to my social ecology friends. Fortunately they have mostly taken it in stride, and I remain on good terms with most; my friends at New Compass, for example, continue to publish my writings in areas where we overlap.
Murray developed social ecology in the postwar era, when moving the social agenda forward in a radical way seemed possible. Utopianism, he said, not only possible but necessary. Today it may still be necessary, but it seems very far from possible. The champions of antistatism today are Wall Street, gigantic financial institutions, multinational corporations. The Koch Brothers are the great success story of American libertarianism, champing at the bit to undo the social safety net that progressive people in the twentieth century struggled to create. (Other forces subservient to capital are cutting social programs in Europe and the U.K.) In the coming months the Republicans in Congress are going to put Medicaid and Medicare on the chopping block. Many real people—not theoretical people in the pages of theoretical articles, but real people–are suffering now from the untrammeled financial royalism of Wall Street and will suffer more when they lose the social programs. I fail to see how an antistatist practice can address this ominous situation constructively. What does make sense to me, mundane as you may think it, is a rearguard fight to preserve the social programs. So no, I will not form a study group to smash the state; I will march to defend Medicare and Medicaid. I am not an antistatist—be it anarchist, communalist, or social ecologist; I am a social democrat and make no apologies for it.
I understand that people who identify as social ecologists have expressed their desire, on the ISE blog, to see social ecology changed. It’s not my affair. For me personally—and I emphasize personally–social ecology will always remain in my memory as Murray defined it, and as I fought for it for fifteen years. I don’t expect anyone else to agree with me or share this attitude; nor do I ask them to.
From childhood Murray struggled to build a revolutionary movement that could create a rational, ecological society, but at the end of his life he knew he had failed. A lifetime of boundless energy, charismatic orations, patient exposition of ideas, several teaching positions including a full professorship, indefatigable lecture tours, endless writing—none of it bore results that even began to fulfill his vision. His consolation, in his last years, was the integrity, coherence, and (my word) beauty of the ideas and histories in a couple of shelves worth of books. He was proud of them, rightly. As the era in which he wrote them recedes in time, I do him the courtesy and pay him the respect of leaving that creation intact. Knowing that people regard me still as a social ecologist, I prefer to step outside that body of ideas altogether, rather than confuse matters by dragging the label through my subsequent political peregrinations. I ask and expect no social ecologists to make the choice I have made.
Least of all do I participate any more in intramural discussions and debates among antistatists. So: from my perch outside the boundaries of you discussion, I wish social ecologists of the ISE well in your rethinking.
Janet Biehl
Burlington, Vermont
April 14, 2011