REPONSE AU SECOURS ROUGE (L’Eveil social, 2e année, n° 2. Février 1933)

L’organisme intitulé « Secours rouge » ne perd pas une occasion lorsqu’il s’git de masquer son hypocrisie en matière de défense des emprisonnés et des persécutés politiques.

Aujourdhui il lui prend la fantaisie de réclamer l’amnistie pour mon cas. Le « Secours rouge » s’attache à démontrer ainsi son indépendance politique, tout comme il s’attache à démontrer le plus souvent possible un internationalisme qui n’exclut pas une soumission servile au gouvernement de Moscou qui torture et emprisonne les meilleurs révolutionnaires dans les bagnes de Russie.

Que le Secours rouge sache bien que, anarchiste convaincu, je ne tolérerai jamais que ma défense soit prise par les enfants de chœur du fascisme rouge qui sévit en Russie, pas plus d’ailleurs que par tout autre polichinelle politique qui viendra crier aujourd’hui amnistie pour m’enfermer lui-même demain ?. Ma carcasse est suffisament dure pour résister à plus d’un séjour dans les geöles des régimesblancs ou rouges qui pourront porter atteinte à ma libert&é. Ce n’est pas pour cela que k’irai implorer la pitié de gens qui ne sont que des rabatteurs de certains politiciens et les valets d’un régime qui ne le cède en rien au régme capitaliste.

Dans le journal La Défense du 31 décembre, les bons apôtres du Secours rouge consacrent quelques lignes à ma personne. A l’avenir, je les dispense entièrement d’une formalité aussi hypocrite ; je ne pourrai que mépriser une telle sollicitude tant qu’elle ne s’étendra pas aux victimes de Staline.

Mohamed SAIL

MOHAMED SAIL : UN LUTTEUR INTRANSIGEANT

Mohamed SAIL a passé en tout pas moins de 11 ans en prison : pendant la guerre de 14 en tant que déserteur insoumis, puis régulièrement dans les années 30, toujours pour des motifs d’incitation à la révolte et à la désobeissance, ainsi qu’à la démoralisation de l’armée. Gérant de l’Éveil social (Aulnay, 29 numéros, janvier 1932-mai 1934) , qui fusionna avec Terre libre en mai 1934, il fut poursuivi début 1933 pour « incitation de militaires à la désobéissance ». En 1934 il fonda le groupe anarchiste des indigènes algériens et devint le responsable de l’édition pour l’Afrique du nord du journal Terre libre(parue ?). Arrêté fin mars 1934 à Saint-Ouen par la police qui saisissait quelques grenades et pistolets, « souvenirs de la dernière guerre » selon le Comité de Défense sociale et une grande partie de sa bibliothèque, il fut condamné à un mois de prison ; à l’expiration de sa peine, il fut maintenu en détention dans l’attente d’un jugement pour détention d’armes de guerre. Condamné de nouveau à un mois de prison en juillet, il fut aussitôt libéré ; il avait été détenu pendant quatre mois et demi, temps qui dépassait de deux mois et demi celui de ses deux condamnations. Pendant sa détention, il envoya un message de sympathie au congrès de l’Union anarchiste, qui eut lieu à Paris les 20 et 21 mai 1934. Lors de son arrestation le journal L’Humanité l’avait dénoncé comme un provocateur qui « A Vincennes où il sévissait, il opérait avec une pancarte où l’on pouvait lire « Ravachol, partout ! ». Il suffit d’une telle formule pour qu’on voit bien de quoi il s’agit, d’un individu qui ne peut rien avoir de commun avec les communistes. C’est bien parce que ce provocateur était connu de la police et, comme tel, il a été arrêté, car il ne pouvait plus servir en liberté, étant brûlé » (4 avril 1934). Sous le titre « Sail Mohamed et les Autruchos-marxistes », paru à la une de La Voix libertaire (21 avril 1934), le compagnon A. Prudhommeaux dénonça cette infamie communiste, se solidarisera avec Sail, terminant son article par un appel aux révolutionnaires à s’organiser : « … Le moment est venu de se préparer à la résistance et à la contre-attaque révolutionnaire. Sail Mohamed y avait songé. Faisons comme lui ! Et…cachons nous mieux que lui ! » Sail, lui même, le 29 août 1934, avait adressé à la rédaction de L’Humanité la demande de rectification suivante qui resta sans effet :  » Dans le numéro du 4 avril 1934, à la suite de ma détention pour détention d’armes L’Humanité a publié un article par lequel j’étais présenté comme un agent provocateur. Je crois utile de rappeler l’indignation suscitée dans les milieux anarchistes et même dans d’autres milieux antifascistes, par cet article écrit avec une légèreté inconcevable. Cet article portant une atteinte grave à mon honneur de militant sincère, je vous demande de faire la rectification qui convent. Votre information était entièrement fausse, dénuée de la plus élémentaire preuve et il me semble que ma détention qui dura arbitrairement pendant près de cinq mois suffit pour établir ma sincérité aux yeux de toute personne de bonne foi. Je pense donc que vous ne voudriez pas profiter de ce que je suis réfractaire à la justice bourgeoise, c’est à dire désarmé volontairement au point de vue légal, pour étouffer cette protestation, mais que vous tiendrez au contraire à reconnaître votre erreur et à donner satisfaction à un vieux militant qui s’est toujours sacrifié à la cause prolétarienne« . (cf. Terre Libre, n°6, octobre 1934). Pour avoir, en septembre 1938, distribué des tracts contre la guerre, il fut condamné à dix-huit mois de prison (cf article paru dans  SIA – Solidarité Internationale Antifasciste –  ci-dessus). En 1939, pour le même motif, il fut arrêté et interné à la prison de la Santé ; c’est au cours de cette arrestation que sa bibliothèque, 10 rue d’Amiens à Aulnay, fut saisie lors de la perquisition puis dispersée. En 1941, il fut détenu par les autorités de Vichy au camp de Riom-ès-Montagnes (Cantal).

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